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lundi 25 avril 2011

Destruction des monuments érigés par le régime de Laurent Gbagbo ou la persistance de la religion dans la dynamique conflictuelle en Côte d'Ivoire.


Depuis la chute du régime de Laurent Gbagbo, les destructions des monuments qu'il a érigé se succèdent. Derrière ce vaste programme de démolition se profile l'ombre informe mais omniprésent de la religion.

La bible, le coran, le cauris et le fusil dans la guerre en Côte d'Ivoire


La guerre éclatée en Côte d'Ivoire le 19 septembre 2002 a fait couler beaucoup d'encre et de sang. Au nombre des raisons avancées pour l'expliquer se situe la religion. En effet, derrière le voile des logiques identitaires et économiques qui animent les forums des intellectuels et des populations se cache la religion. Même si, pour apaiser les esprits elle n'a pas fait l'objet d'une attention approfondie, elle demeure l'un des facteurs catalyseurs de la crise. Et la crise post-électorale survenue après les élections présidentielles de novembre 2010 en est une parfaite illustration. Plusieurs églises et mosquées ont été détruit, des leaders religieux ont été également battus ou abattus. Les partisans de La Majorité Présidentielle (LMP) et ceux du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et Paix (RHDP) se sont opposés à cause de la religion.
Dans le camp de LMP, ont accusent les adversaires d'être des adeptes de la sorcellerie, des impies qui se livrent "à des meurtres rituels" pour boire le sang susceptible de renforcer le pouvoir. Pis, ont a accusé les membres de RHDP, assimilés aux musulmans, de dissimuler des armes (armes à feu et armes blanches) et d'inciter les fidèles à la haine contre Gbagbo. Le bloc RHDP regarde LMP avec circonspection. Et pour cause. C'est une association d'hypocrites qui, sous le vernis fallacieux et spécieux de l'amour en christ, se livrent à des pratiques de fétichisme et la débauche sexuelle. Ce sont des jouisseurs qui écument les églises à la recherche de la richesse. Bref, des "adeptes du vaudou". Les effets de ces antagonismes ont été immédiatement ressentis dès l'épilogue de la bataille d'Abidjan.

La déconstruction pour briser l'envoutement

Le 11 avril 2011, Gbagbo Laurent est renversé. La plupart des monuments construits sous son règne le suivent dans sa chute. Le nouvel homme fort d'Abidjan, le "brave tchè" tel John Wayne opposé au méchant Billy the Kid alias Laurent Gbagbo, continue de tirer sur le bad Billy pour l'achever. La consigne est clair et sans équivoque, "Tous seront détruits" comme l'a signifier Soro Kigbafori Guillaume, le Premier Ministre et Ministre de la défense.
Dans cette logique de destruction, nous avons assisté ce dimanche matin pascal du 25 avril 2011, sous une pluie battante, à la "mise à mort" de Saint-Jean. Le monument du carrefour Saint Jean a été détruit et le "corps" du saint a été démembré. Son corps "git" dans la broussaille sur la voie qui mène à l'hôtel Ivoire où se dresse fièrement la statue de Latrille, l'un de rares survivants de la crise, quant, de l'autre côté de la route, tout juste près des gravas se trouve sa tête qui, tourné du côté du marché semble dire aux passants et à ses "bourreaux", "Seigneur pardonne leur ce qu'ils font". Apeurés ou tristes les fidèles qui sortaient de la messe ce dimanche ont sans doute priés intérieurement pour la seconde mort de l'apôtre Jean. Dans la foule massée autour certains ont assisté hébétés, heureux ou curieux.
Pour immortaliser l'évènement ceux qui avaient des téléphones portables ont, avec ces appareils, fait des photos ou filmé la cérémonie. De Saint-Jean, il ne reste qu'un tas de sel ou plus précisément de pierres comme pour "punir" les curieux qui, au mépris du commandement du Seigneur se sont retournés pour regarder "Sodome et Gomorrhe", villes détruites par le déluge de feu et de souffre du Seigneur. Pauvres descendants de la femme de Lot, qui a osé retourner, par son regard, aux vices, milles péchés du vieil homme mort de Saint Paul.
Pour le nouveau régime la destruction s'inscrit dans la logique de "désinfection" de la ville d'Abidjan. Selon ses représentants, il s'agit de briser les liens sataniques scellés avec les sacrifices humains. Selon ces derniers, le régime de Laurent Gbagbo aurait enterré des corps humains sous ses monuments pour assurer un meilleur contrôle de la ville. Les échecs répétés essuyés par les Forces Républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) pour pendre la ville d'Abidjan sont liés au pouvoir de ces sacrifices. Pour briser l'envoûtement il faut donc casser ces monuments. Or, nous n'avons vu aucun ossement humain sous Saint Jean. Comme pour clamer son innocence sous le sceau du commandement qui prescrit que "tu ne tueras point".

La tête de Jean-Baptiste, offrande du régime Ouattara ?

Dans les Saintes écritures, pour plaire à la fille d'Hérodias, le roi Hérode lui offrit, "sur un plat" la tête de Jean-Baptiste. Ce passage biblique a une saisissante correspondance avec le déroulement des évènements en Côte d'Ivoire. L'histoire raconte que Hérodias pour satisfaire sa dulcinée, "Il envoya sur-le-champ un garde, avec ordre d'apporter la tête de Jean-Baptiste" (Marc6:27). En Côte d'Ivoire la destruction des monuments intervient également "sur-le-champ", sur le tas des restes encore fumants du régime de Gbagobo. Mais il fallait y aller vite "à cause de ses serments et des convives" que sont les populations et, au-delà les militants et sympathisants du RHDP.
On peut lire plusieurs logiques dans ce projet de démolition de monuments. La plus importante est la persistance de l'idée de Dieu, de la religion dans le champ politique ivoirien. Cette idée a survécu et continue de survivre aux différents régimes politiques. Les premiers acteurs de la construction de la 3ème République n'échappent pas à cette constante. Malgré eux, les acteurs politiques sont tous happés par l'irrésistible appel des sirènes de la religion en revêtant plusieurs formes. Sous Houphouet Boigny on a parlé des pratiques fétichistes de certains opposants ou collaborateurs qui ont utilisé les fétiches pour nuire au Président. On se souvient de cet épisode plus connu sous le nom des "complots d'Houphouet Boigny". Plus récemment le Général-Président Guéï Robert a exhibé les appartements luxueux de l'ex-Président Bédié comme un "fétiche". Et les pratiques mystiques (invulnérabilité aux balles et aux armes blanches, aptitudes à disparaître et apparaitre, etc.) des "Soldats de la Lumière" de Soro Guillaume, plus connus sous le nom de "Dozos" continuent de faire des vagues.
Cette propension à accuser son adversaire d'adepte de fétichisme vise un objectif majeur. Le disqualifier aux yeux de l'opinion pour le détruire politiquement. Et parfois physiquement. Cela traduit la cohabitation entre le politique et le religieux dans l'exercice du pouvoir en Afrique. Depuis l'Afrique précoloniale, le souverain s'est toujours entouré de son armée de "sorciers" et de "devins". Aujourd'hui encore les hommes politiques au Sénégal sont accompagnés de leurs marabouts. La religion apparaît sous les traits du marabout, du féticheur, de l'Imam ou du Pasteur. Cette idée de Dieu est omniprésente. Ici, cette représentation ou cette croyance vient "compléter" ou "renforcer" le déficit ou la faiblesse des capacités du souverain. La zone d'incertitude est vite comblée voire renforcée par une puissance jugée supérieure à celle qu'il possède déjà. Dans un environnement jugé trop dangereux, il est bon et rationnel de se protéger en se confiant en un Dieu. La destruction des monuments se loge dans l'idée que, pour affaiblir l'ancien régime et renforcer le tien, il faut se débarrasser de ces "fétiches" de pierre. On détruit donc pour se confier en une autre divinité qui, pour l'heure n'a pas de visage. Toutefois en lisant attentivement les communiqués officiels produits par les nouvelles autorités et les journaux qui leurs sont proches, on est frappé par la surabondance des mots qui font référence à un langage qui invite à une messe de purification ou une vaste cérémonie d'exorcisme ou encore à une séance de prières et de délivrance. Ainsi on y retrouve les mots "désinfecter', "désinfection", "nettoyer", "chasse aux sorcières", "exhortation", "meurtrissures", "délivrance", "pardon", "Dieu bénisse la Côte d'Ivoire", etc.
Les pratiques militaires s'inscrivent aussi dans cette trajectoire. Elles fonctionnent comme un témoignage. Dans les Saintes écritures, Jésus a dit a l'aveugle Bartimée d'aller partout pour rendre témoignage de sa rencontre avec Jésus et pour montrer sa guérison, symbole de sa gratitude envers Dieu. Jésus avait dit a ses disciples, "aller partout dans le monde" et faites des disciples. Ce commandement de rendre témoignage de sa "conversion" transparaît aussi dans les pratiques du nouveau régime. En témoigne les photos diffusées sur Internet où l'on peut voir l'ex-Première Dame, Simonne Gbagbo, entourée par six (6) membres des FRCI fièrement exhibée comme un trophée de guerre. Ou encore celle de l'arrestation du premier responsable de la Garde Républicaine (GR), Dogbo Blé, qui pose avec des éléments FRCI en joie. Le Premier Ministre, dans son dernier communiqué a affirmé au sujet des monuments "Certains le seront spécialement en présence des organisations non gouvernementales nationales et internationales, d’organisations des droits de l’Homme et de médecins légistes ». L'exhibition ou la destruction des monuments devant tout le monde relève d'une stratégie d'insertion et d'occupation de l'espace public. Par l'action militaire (les FRCI) ou civilo-politique (les membres du Gouvernement et le Président), le nouveau régime s'installe dans l'espace public et l'occupe par la destruction les produits qui font référence à l'ancienne équipe dirigeante. C'est une forme de réécriture de soi par transgression des commandements d'une autre entité religieuse. Faire une offrande à un autre Dieu en détruisant le Dieu-adversaire. Les monuments érigés par Laurent Gbagbo sont le veau d'or de son régime que, tel Moïse, Alassane Ouattara vient détruire pour réconcilier le peuple ivoirien avec son Dieu.

mardi 19 avril 2011

La Sorbonne du Plateau survivra-t-elle à la bataille d'Abidjan?


avril 2011, la bataille d'Abidjan qui opposait depuis la proclamation des résultats du second tour des élections présidentielles en Côte d'Ivoire a connu son dénouement. Laurent Gbagbo a été débarqué du pouvoir. Au lendemain de son éviction, on se demande si la Sorbonne du Plateau survivra à son départ.

La bataille d'Abidjan ou le combat à mort des frères ennemis

Dans la nuit du jeudi 31 mars au vendredi 1er avril, de violents combats opposent les Forces de Défense et de Sécurité de Côte d'Ivoire (FDS) aux Forces Républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI). Les derniers sont appuyés par les forces impartiales.
A près l'échec de cette attaque au cours de laquelle les FDS sont attaqués sur plusieurs fronts, les FRCI tentent plusieurs assauts en vain. Plusieurs assauts sont lancés mais connaissent le même sort. Du dimanche 10 au lundi 11 avril la résidence présidentielle subit un déluge de feu sous les bombardements d'hélicoptères de combat français et de l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI). Laurent Gbagbo capitule et proclame la fin des hostilités. Les officiers de l'armée font allégénace à Alassane Ouattara nouveau Président de la République de Côte d'Ivoire.

La Sorbonne sous les feux de la crise

Au cours de la pacification d'Abidjan, une visite sur le site de la Sorbonne, le lundi 18 avril appelle certaines observations. Les magasins sont largement éventrés. Toutefois la plupart d'entre eux ont été épargnés. Le site est verrouillé par de nombreux combattants FRCI qui en assurent la garde. Pour enlevés leurs articles, les commerçants s'orientent vers les soldats qui, à l'occasion un cahier d'inscription. Après enlèvement des articles ils se rendent au commissariat du 1er arrondissement pour obtenir un laissez-passer.
Dans la cohorte de personnes rencontrées, aucun orateurs de la Sorbonne. Les Sorbonnards ont fuient l'espace par mesure de sécurité. Le 18 avril 2011, jour de la reprise du travail, on a plutôt rencontré des agents de la police municipale qui ne cachaient pas leur joie. Ils sont maintenant les nouveaux maîtres de la Sorbonne. Ils ne le cachent pas à l'image de Kamso, "C'est nous on gère ici maintenant. On nous a frappé ici jusqu'en mais aujourd'hui c'est nous les chefs". Yvers, un autre agent enchaîne "On va casser tout çà là pour bien travailler. Les vagabonds là vont aller se chercher ailleurs". Notons qu'à plusieurs reprises, ces agents ont été tabassés par les Sorbonnards. Dans sa chute Gbagbo Laurent, leur protecteur, les a entraîné dans le désespoir. Son éviction a ruiné leur positionnement sociale et politique.
Au milieu des ruines, les passant, commerçants et soldats FRCI piétinent les documents et certains s'asseyent sur les estrades réservés aux débats et autres échanges. La réhabilitation du site et son affectation pour un usage non patriotique met en péril les activités de la Sorbonne. Où iront s'alimenter les nombreux fonctionnaires, élèves et autres visiteurs de ce site ? Que feront les sorbonnards et les "professeurs" ?
On peut de façon empirique prédire des lendemains difficiles pour la Sorbonne. Elle ne vaut que par la possession du site où elle exerce ses activités. Dès lors, la perte de ce site marque un blocage sinon une rupture dans son fonctionnement. Même une délocalisation des activités sur un autre site ne pourra pas remplacé les avantages comparatifs tirés dans l'ancien site.
Mais au-delà de la perte de cet espace physique, on peut s'attendre à des changements profonds au niveau des espaces de discussions de rues notamment, les "agoras" et "parlements". Ces espaces seront confrontés à la dure réalité de la posture de l'opposant. Soit ils disparaitront, soit ils fonctionneront à la lisière de l'espace politique qui, sans nul doute leur sera réduit. Ou, ils s'aligneront au respect des consignes de fonctionnement édictées par le régime Ouattara. On peut s'attendre à ce que la cohabitation des "agoras" et "parlements" avec le pouvoir de Ouattara soit difficile.