L’Ebola est mortel. Lavez-vous régulièrement les mains au savon. Désinfectez tout a l’eau de javel. Signalez vite tout cas suspect au 143 ou au 101

jeudi 30 juin 2011

Cacophonie dans la tour de Babel : l’Afrique déchirée entre UA et L’OTAN


Depuis hier, 29 juin 2011, se tient à Malabo, capitale de la Guinée-Equatorial, le XIIIème sommet de l’Union Africaine (UA). Si, les chefs d’Etats africains ont l’habitude de se rencontrer, il n’en demeure pas moins que cette dernière rencontre est assez particulière à cause du dossier du Guide Kadhafi qui divise. Autopsie d’une rencontre qui ressemble fort à l’histoire universelle de l’humanité qui s’est construite autour de la tour de Babel.

Etat des lieux

Malabo abrite depuis hier la XVIIème session de l’UA. Téodor O Obiang Nguema Abassou, Président en exercice de cette institution accueille ses pairs Chefs d’Etat et de gouvernement ou leurs représentants. Le thème principal de la réunion est « Accélérer l’autonomisation des jeunes pour le développement durable ».
Pour la circonstance, Malabo a fait peau neuve pour accueillir ses hôtes. Le Président Obiang a déboursé 830 millions de dollars pour réaliser les infrastructures d’accueil avec à la clé l’érection d’une cité. Le faste est à l’image de la qualité des invités. Mais les reflets chantés par les splendides bâtiments et les bijoux des chambres des hôtes cachent mal l’ambiance lourde de la rencontre.
A côté du thème central qui traite des jeunes, se trouvent sur la table des participants l’épineux dossier libyen. La crise en Libye divise les dirigeants africains. L’ombre de Kadhafi plane dans les couloirs et les salons feutrés de la cité qui accueille les participants. Plus précisément, c’est la gestion de cette crise qui divise les chefs d’Etats africains.
Le Guide Mouammar Kadhafi, Président de l’UA, Roi des Rois d’Afrique est bousculé par la vague des « révolutions colorées » qui traversent les pays arabes. Dès l’éclatement des premières voix contestataires, Kadhafi réagit pour mettre de l’ordre. Poussé à bout par des manifestants entraînés il sort l’artillerie lourde pour mâter ce qui ressemble, à y voir de près, à une rébellion.
Sur le champ, embarquée par l’alliance Franco-atlantique (la France, les Etats-Unis d’ Amérique, le Canada, la Grande-Bretagne et l’Italie) la communauté internationale intervient pour « protéger les populations civiles ». « Populations civiles » qui ne tarderont pas à se transformer en une rébellion pudiquement baptisée Conseil National de Transition (CNT). Dans la nuit du 17 mars 2011, sous l’initiative de la France, l’ONU vote la résolution 1973. Cette résolution « autorise » les Etats membres de l’alliance à « prendre toutes mesures nécessaires » « pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne ». Elle ajoute un « embargo sur les armes ». Les choses se sont accélérées et, en quelques semaines, les « frères » du CNT ont été reconnu par presque toutes las capitales du monde avec, à la clé un soutien financier, matériel et logistique. La France leur affecte des conseillers militaires.
Un déluge de feu s’abat sur la Libye. Les bombardements de l’OTAN sont réguliers. Des hélicoptères et des avions de combats sont récemment rentrés dans la danse. Les morts et les dégâts sont rangés dans la catégorie « dégâts collatérales ». Dans sa logique de protéger les civiles l’OTAN bombarde des cibles militaires et … civiles. Dans la foulée des frappes aériennes, la famille du Guide est touchée gravement. Dans la soirée du 30 avril 2011, à 20h07mn l’Alliance effectue un tir de « missile ciblé » qui tue plusieurs enfants proches de Kadhafi: Mastoura Hmaid Bouzataiya Aîcha Kadahfi, la petite fille du Guide, née le 5 décembre 2010, une autre née le 2 août 2008 et un autre enfant né le 30 janvier 2009 meurent. D’autres enfants et adultes inconnus continuent de payer le prix de la croisée militaire de Nicolas et Obama. Au nom de la démocratie.
Mais les méthodes expéditives et brutales des puissances occidentales dérangent. Officiellement, l’UA s’oppose à la force et propose l’arrêt des frappes et une sortie politique de la crise. Ce qui n’est pas de l’avis des occidentaux qui, formés et formatés dans le moule guerrier des théories de Clausewitz veulent « continuer le débat politique par la guerre ». L’objectif est toujours ressassé, « Kadhafi doit partir ».

La démocratie à l’épreuve de la crise Libyenne et ….. ivoirienne

La gestion de la crise en Libye divise de plus en plus. En Afrique des voix opposées à la négociation demande le départ pur et simple du Guide. Des Etats africains comme la Mauritanie et le Gabon n’ont pas hésité à demander son départ. Le Président sénégalais Abdoulaye Wade n’a pas hésité à franchir le rubicond en s’adressant à lui en ces termes « Tu es arrivé au pouvoir par un coup d’Etat il y a plus de 40 ans, tu n’as jamais fait d’élection, tu as prétendu parler au nom du peuple. Tout le monde sait que c’est une dictature que tu as établie ». Il est allé plus loin en martelant « Je te regarde dans les yeux (…) plus tôt tu partiras, mieux ça vaudra ». Il a même rendu une visite aux rebelles du CNT le jeudi 9 avril à leur siège à Benghazi. Entre temps, agacé, le Président sud africain Jacob Zuma soutient que « la guerre humanitaire de l’OTAN se transforme en vraie guerre ».
En clair, l’UA ne peine à s’accorder dans la gestion de la crise. Les intérêts divergents des uns et des autres tuent l’union sacrée africaine.
Du côté des occidentaux des divergences de points de vue se font également entendre. L’activisme militaire de la France agace plus d’un. Et pour cause, elle reconnaît avoir largué des armes pour aider la rébellion à marcher sur Tripoli. L’Italie et la Grande Bretagne se plaignent des méthodes de Sarkozy quand le Danemark et le Canada menacent de se retirer. Les américains soupçonnent certains de leurs alliés de ne pas trop s’engager. Les débats contradictoires autour de la Libye découlent de la crainte de l’enlisement de la guerre. Les nations dites développées sont largement échaudées par les fronts Irakien et afghan. La guerre a un coût et la crise financière qui met en péril les nations phares du capitalisme « n’arrange pas les affaires ». Le spectre de la faillite de la Grèce n’est pas loin et la France et les Etats-Unis ploient sous le poids d’une dette qu’ils peinent à éponger.
La guerre en Libye est l’ultime épreuve qui a ébranlé toutes les convictions de démocratie et d’indépendance de l’Afrique et des puissances occidentales. 5o ans après avoir célébré en pompes les « anniversaires de l’indépendance », les Dieux athéniens ont soumis les africains et leurs anciens maîtres colonisateurs à l’épreuve de la foi pour mesurer leur niveau d’attachement à la démocratie. Mais comme les femmes à la foi vacillante sur le mont des oliviers dans la Bible, la chair a faibli. Le péché qui dort à la porte du cœur de l’homme s’est établi. Pauvres humains à la chair faible, ils ont « chuté ». Les africains n’ont pas su saisir cette opportunité pour affirmer sinon arracher par la force leur indépendance vis-à-vis de leurs maitres d’hier. Ils n’ont pas su, comme Lazare et Zachée saisir la grâce de la « délivrance ». Comme des enfants qui refusent de grandir, accrochés aux « prêts » et autres « dons » ajustés, biberons empoisonnés de la liberté, résister à l’appel de Mamie Watta, sirène des eaux, sirène de l’engloutissement des feux du développement. Les Européens, eux, tels le peuple d’Israël dans la traversée du désert n’a pas su, en l’absence de Moïse envoyé pour chercher les tables de la loi, résister aux veaux d’or de la duplicité et de la rapacité. Attirés comme des mouches et des abeilles par l’odeur enivrante et ensorcelante du pétrole et du gaz libyen, ils n’ont pas su dire non aux démons du vol, de la gloutonnerie et du mensonge. Car à coups de mensonges relayés par les médias qu’ils dominent entièrement, ils se sont lancés dans la croisade militaire anti-Kadhafi pour piller. Le juteux marché de la reconstruction post-conflit attire de plus en plus les Etats qui reconnaissent et adoubent la rébellion du CNT. Sanctifiés par le pain béni des armes qu’on lui octroie sous le couvert du blanc-seing de la Résolution 1973, les « frères illuminés » du CNT avancent dangereusement vers Tripoli.
Entre temps, tels les fils de Goebbels, Hillary Clinton et Sarkozy distribuent à tour de bras les brevets de bonne gouvernance aux chefs d’Etats africains. Des documents for « best practices » sont délivrés pour la gestion des africains. Le 13 juin 2010, au siège de l’UA, à Addis-Abeba, juchée sur le perchoir devant les enfants de Sa Majesté Hailé Sélassié, madame Hilary n’a pas hésité à administrer une véritable leçon de bonne gouvernance à ses élèves, les chefs d’Etats africains présents dans la salle. Dans son discours intitulé « Remarks at African Union », elle menace « Je conseille vivement à tous les Etats africains d’exiger la démission de Kadhafi. Je vous conseille vivement de suspendre les activités des ambassades de Kadhafi dans vos propres pays, d’expulser les diplomates pro-Kadhafi et d’accroitre vos contacts avec le conseil national de transition ». La recette à marcher avec le turbulent Gbagbo Laurent en Côte d’Ivoire lorsque, sous les injonctions de la France, de l’Union Européenne et des Etats-Unis, les pays africains se sont empressés de congédier sans autre procès ses diplomates devenus trop encombrants et gênants. Bref « peu fréquentables ». La fermeté de la donneuse de leçons contraste avec le traitement du conflit israélo-palestinien par les occidentaux. Les bons points qu’elle a distribués ont épargné le Président Blaise Compaoré installé depuis 1987 en réalisant lors de ces dernières élections un score russe.
D’autre part on s’étonne du silence assourdissant des organisations des droits de l’homme si prompt à jeter au cachot les Présidents africains. La qualité des victimes compte pour beaucoup dans leur agenda. Le décès d’enfants, fussent-ils ceux proches du Guide auraient pu émouvoir ces organisations soucieuses d’habitude des droits des enfants, des enfants et des vieillards. La France semble avoir jeté aux orties ses valeurs universelles de pays des droits de l’homme et des libertés de 1789. On se pose des questions lorsque ce chantre de la démocratie a poussé les pays africains à mettre à la tête du FMI, Christine Lagarde. De quoi mettre en garde plus d’un quand on se souvient de cet autre puissant homme démocrate qui incapable de tenir ses envies et se contenir se livre à des attouchements aux employés d’hôtels. Les grandes pattes de Big Brother n’empêche pas de repenser ses valeurs (américaines) pour lesquelles Georges Bush fils, sous couvert de l’idéologie de la preventive war (guerre préventive), a décapité l’Irak et mis à feu et à sang l’Afghanistan pour des armes de destruction massive (in)visibles. Le jeune Premier, Obama rapidement bombardé Prix Nobel de la Paix quelques semaines seulement après son élection ne nobelise pas sa politique étrangère. Et pour cause Guantanamo est toujours ouvert. Entre temps ses collaborateurs sont englués dans des scandales à caractère sexuel. Plus récemment le prometteur jeune démocrate Anthony Weimer , siégeant à la chambre des Représentants et promis à un bel avenir politique dans l’Etat de New York, a diffusé des photos de nus de lui sur Internet. Il a semblé suivre à la trace, très tôt, un chef d’Etat qui fumait des cigares aux secrétions féminines intimes. Madame Hilary semble oublié que son époux a mis a nu la dignité de la nation la plus puissante du monde.
Sans verser dans l’exagération, ces exemples doivent être à même d’amener les africains à repenser leurs rapports au monde. Certes ils ont des défauts mais ce ne sont pas les pires espèces humaines. Sous d’autres cieux on tue et on vole impunément. Le développement passe par une indépendance vis-à-vis des partenaires au développement. La gestion des crises africaines doit être prioritairement assuré par les africains eux-mêmes. Cela passe par la bonne gestion des ressources qui, équitablement redistribuées peuvent atténuer les frustrations qui, le plus souvent, débouchent dans des crises ouvrant la voie aux ingérences sauvages aux conséquences désastreuses comme l’opération Restore Hope à Mogadiscio, l’opération turquoise au Rwanda, l’opération Barracuda en Centrafrique, la Licorne en Côte d’Ivoire. Pour ne citer que celle-là.
Par-dessus tout, ils doivent se débarrasser du stigmate du pigment, le fameux complexe du blanc qui, avec sa chicotte met au pas ses administrés. Bloquer avec les ressources endogènes les facteurs de reconstruction de la « Bastille africaine ». Si les aînés s’accordent pour réfléchir et mettre en pratique les résolutions de ce sommet qui vise « l’autonomisation des jeunes », ils parviendront à bloquer le cyclone infernal de pauvreté qui entraîne avec lui la cohorte de jeunes gens qui, transformés en chiens de guerre, corsaires des temps modernes, endeuillent le continent au gré des crises gigognes qui traversent les Etats. Les mercenaires qui écument les pays africains à la recherche de guerre seront réorientés vers des projets de développement. En sus, les maladresses des interventions étrangères pour régler les crises n’auront plus ou peu d’influence sur le continent.

jeudi 9 juin 2011

Dans la forge du Dieu Vulcain : les défis de la fonte de la nouvelle armée ivoirienne


Le nouveau gouvernement du régime Ouattara s'installe. Avec lui, l'armée ivoirienne est en train de se construire. Avec d'énormes défis à relever.



Au commencement était le feu

Le 19 septembre 2002, des groupes armés ont lancé des attaques simultanées sur plusieurs villes de la Côte d'Ivoire. Cette date marque le début de la tourmente dans laquelle se trouve l'armée. Mais, à y regarder de plus près, les hoquets de la grande muette éburnéenne ne datent pas d'aujourd'hui.
Houphouët Boigny avait greffé à la police et aux militaires la gendarmerie pour assurer la stabilité de son régime. En sus, le corps de la garde républicaine veillait soigneusement au fauteuil du "vieux". En bon stratège politique, il a su s'accommoder des sautes d'humeurs de l'armée jusqu'à sa disparition. Il alliait savamment le bâton et la carotte pour calmer les soldats trop bruyants.
L'arrivée au pouvoir du Président Bédié va modifier le rapport du politique au militaire. Soucieux de profiter de "l'héritage" qui venait de tomber entre ses mains, le dauphin constitutionnel d'Houphouët Boigny n'a pas su faire bon ménage avec son armée. A la clochardisation, s'est ajoutée un déficit de communication sinon un manque de regard avisé pour lire dans les soubresauts qui ont suivi son accession au pouvoir les signes annonciateurs d'un mécontentement. C'est ce manque de discernement qui va l'emporter dans le paquetage d'un père Noël sanglé dans un costume militaire. Dans la foulée, de nombreux éléments de l'armée qui ont maille à partir avec le pouvoir s'exilent dans les pays limitrophes.
Laurent Gbagbo va hériter de cette armée composée en grande partie d'éléments frustrés, déçus et exilés. Entre temps, le mortel poison de l'ivoirité savamment transformé en redoutable arme politique fait son effet. Des soldats sont "invités" à prendre conscience de ce qu'ils sont déclassés, méprisés et maltraités. Les médias et une partie de la communauté intellectuelle s'attellent consciemment ou inconsciemment à construire et à entretenir le sentiment d'exclusion. Les "soldats maudits" sont fabriqués à coups d'articles de journaux, articles scientifiques, conférences, colloques, symposiums et ateliers scientifiques. Pendant se temps, sur le terrain de la vox populi, des intellectuels accompagnent des harangueurs de foules dans les rues des quartiers des villes. L'homme solitaire d'Hemingway partage sa lourde froide et chaude solitude avec des populations informées, désinformées, manipulées et instrumentalisées.
Le paroxysme de la fabrication du sentiment d'exclusion va aboutir à la construction d'une armée traversée par des élans de méfiance, de défiance et de revanche. La grande muette éclate et toutes les entreprises pour la ressouder, pour unir les "frères d'armes" sont vains. Trop de querelles ont divisé la famille.

A la fin, le feu ?

Le régime des libéraux conduits par Alassane a hérité d'une armée défigurée. Sans visage. Dans les rues, les populations sont face à des groupes armés bigarrés, des bandes "Nzassa" pour parler de façon triviale. Les noms (de ces groupes et de leurs chefs) qu'ils se sont donnés sont évocateurs de la guerre en Côte d'Ivoire. Ils font tous allusion au sang, à la violence, la peur, la bravoure et la terreur. Ainsi on rencontre ces groupes sous appellation de "compagnie guépard", "Tonnerre", "Ben Laden", etc. Pour rassurer on les a appelés Forces Républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI).
En fait, c'est une armée hétéroclite d'anciens soldats de métiers en disgrâce avec le pouvoir de Laurent Gbagbo, les "Zinzins" et "Bahéfouès". A eux se sont ajoutés les dissidents de la crise post-électorale. Cette catégorie est difficile à identifier car, à la réalité, elle regroupe plusieurs soldats qui se sont enrôles à la cause de Ouattara selon l'évolution de la crise en Côte d'Ivoire. Une lecture diachronique permet de détecter la vague des soldats qui, au lendemain de la proclamation des résultats présidentielles de novembre 2010 avec la bicéphalisation de la Présidence se sont ralliés. Ceux qui se sont rangés derrière Ouattara en ce moment ont commencé à se désolidariser de leurs frères d'armes. Discrète et disparate cette catégorie est peu connue. Et ce d'autant plus qu'elle était basée sur la conviction de son porteur. Le ralliement est plus psychologique que professionnel. Par peur de leur intégrité physique ces soldats obéissaient à la hiérarchie sans exprimer leur refus. "Un soldat ne discute pas, il obéit aux ordres" pourrait-on dire.
L'évolution rapide de la situation va construire la catégorie la plus visible des dissidents. Ce changement est lié à l'ouverture des portes de l'Hôtel du Golf. Transformé en QG de campagne du candidat Alassane, il va se muer en "Bunker" pour recevoir les individus en rupture de bancs avec Laurent Gbagbo. En plus des personnalités politiques et les nombreux anonymes qui s'y sont réfugiés, on y retrouve désormais les "déserteurs" de l'armée de Laurent Gbagbo. Le refus d'obéir aux ordres de son supérieur se traduit par une fugue dans l'Hôtel-bastion. De nombreux soldats rejoindront ainsi Alassane dans cet hôtel perçu par le camp adverse comme un "kyste", un "cancer" à enlever. Mais le mouvement d'enrichissement de l'Armée de Ouattara ne se limite pas là. Au contraire, il va s'accélérer.
La "bataille d'Abidjan" va ouvrir le début d'une période d'enrôlement de l'armée ouattarienne. En effet, plusieurs jeunes et vieux, partisans et sympathisants de Ouattara vont rejoindre son armée. Et c'est la ville d'Abidjan et sa banlieue qui va lui offrir son plus gros contingent. Désœuvrés, chômeurs, repris de justice, travailleurs du privé, etc. vont prêter main forte aux anciens éléments Forces Armées de Forces Nouvelles (FAFN) en faction au Golf hôtel.
Le défi majeur de "bravetchè", Alassane Ouattara, est de parvenir à rapprocher ces groupes des éléments de l'ancienne armée (FDS) et à les fondre en une seule entité. Il ne sera pas aisé de réunir ces hommes qui viennent de se combattre, à mort. Les plaies, béantes, sont encore vives. De plus, il faut trouver la perle rare qui saura fédérer tous ces hommes qui pendant un moment ont obéi à des chaînes de commandement différentes idéologiquement et militairement. Alassane risque de se retrouver avec une armée où des ex FAFN vont obéir à leurs commandants de zone quand des ex FDS ne se plieront qu'aux injonctions de leurs anciens chefs démesurés fidèles à Laurent Gbagbo jusqu'à sa chute. Même écartés, les hommes comme Philippe Mangou, Guai Bi Poin et Dogbo Blé continueront d'avoir une forte influence sur leurs hommes. De plus, les traditions des écoles de formation vont fonctionner comme un frein à la fonte de l'armée. Formés dans les écoles militaires locales ou internationale comme Saint-Cyr et West Point, il sera certainement difficile pour les anciens soldats de métiers de s'accommoder de la présence de rebelles clonés et de civils zombités, encore moins d'obéir à leurs ordres.
Même en soldant la question des grades, il reste à craindre la gestion des futurs équipements militaires. A quel moment Alassane saura-t-il que les anciens soldats fidèles à Laurent Gbagbo se sont véritablement "convertis", c'est-à-dire pénétrés de l'idée que la tête de la magistrature suprême à laquelle ils doivent obéir à changé ? De sorte a accepter de leur donner leur dotation en armes. Les indicateurs en la matière sont assez flous et volatils. Pour preuve la plupart d'entre eux ont été désarmés et côtoient des FRCI parfois surarmés. Ils sont affectés, lorsqu'ils sont acceptés, à des tâches purement administratives. A eux, l'on peut ajouter les nombreux éléments des FDS qui, pour échapper à la chape de feu lancée par les FRCI et leurs alliés internationaux, sont en exil. Ils constituent un noyau dangereux dont l'ombre menaçante va toujours planer autour du régime Ouattara. Si, en 2002 Laurent Gbagbo se méfait de l'axe Ouaga-Bamako, Ouattara lui se méfie maintenant de l'axe Accra-Monrovia.
Enfin, l'éternel et épineuse question du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion est encore pendante. Comment calmer cette horde de jeunes qui se sont enrôlés dans le secret espoir d'obtenir un emploi. Surtout que la plupart d'entre eux se sont accoutumés au métier des armes avec tous les privilèges qui s'y rattache.L'entourage est déjà sensibilisé à fréquenter un soldat. Il n'est pas sûr que ces jeunes se débarrassent de leurs attributs militaires si facilement. En témoigne les courses poursuites entre les soldats FRCI eux-mêmes et entre eux et les soldats des Nations Unies et de la Licorne pour désarmer les élements inaptes à exercice du métier des armes. Ces refus finissent parfois dans la violence. De plus, se pose le problème de l'efficacité des mécanismes de réinsertion des anciens soldats. Le PNRRC peut-il, avec ces kits de réinsertion, insérer un individu qui, par la force de son arme a possédé des millions e FCFA et la "gloire" ? Pas facile de répondre à cette question eu égard à la facilité avec laquelle Soro Guillaume a remis en ordre de bataille son armée de soldats pour faire tomber, avec l'appui des forces internationales, Laurent Gbagbo.
Les soldats insuffisamment ou mal réinsérées côtoient une population importante de jeunes à risques avec laquelle, ils ont, lors de la "bataille d'Abidjan" partagés les peines et les joies du front. Les populations auront à côtoyer des individus ou des repris de justice qui maîtrisent parfaitement le maniement des armes et les techniques commando. Cette compétence reconvertie pour le vol et le pillage va contribuer à accroître de manière exponentielle le taux de criminalité en Côte d'Ivoire.
Le régime de Ouattara s'est installé avec le soutien de l'extérieur. Ce "coup de main" militaire pèse comme le péché originel qui menace son pouvoir. Les alliés et amis passeront pour récolter les dividendes de leur soutien. Ils sont multiples et multiformes mais chacun réclamera sa part du gâteau économiquement, politiquement ou militairement. Et les soutiens continuent toujours. Ouattara pourra-t-il refuser des contrats léonins ou des parts de marchés à ses soutiens même si leurs intérêts mettent en péril ceux des Ivoiriens ? En tout cas, il a encore besoin de la Licorne et de l'ONUCI pour consolider son pouvoir. C'est sans doute cette raison qui l'a poussé à réclamer de tous ses vœux le maintien du 43ème Bataillon d'Infanterie de Marine (BIMA) de Port-Bouêt. Les grandes ambitions qu'ils nourrit pour la Côte d'Ivoire ne doivent pas occulter l'impérieuse nécessité d'asseoir une armée forte et indépendante prête à défendre le pays sans avoir à faire ressortir des tiroirs les vieux accords de défense miliaires sans cessent activés et réactivés selon le bon vouloir, et le pouvoir de Paris.Pour l'heure le Dieu Vulcain est à l'ouvrage dans sa grande forge en attendant de livrer aux Ivoiriens le glaive qui la protégera des nombreux chiens de guerre et autres avides de pouvoir.