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dimanche 1 novembre 2015

Autopsie de la présidentielle 2015 en Côte d’Ivoire

Les rideaux sont tombés. Les micros ont été rangés. Les mégaphones se sont tus. Les tambours ne parlent plus. En lieu et place un groupe a sorti la fanfare pour célébrer sa victoire alors que les perdants réfléchissent à leur avenir politique. Derrière ce branle-bas, se profile un nouveau paysage politique ivoirien. Votez-moi !
Entre le 9 et le 23 octobre 2015 les candidats à l’élection présidentielle ont battu campagne. 1à au début, la Commission Électorale Indépendante (CEI) a finalement donné le top départ à 8 candidats qui se ont finalement accrochés leurs crampons dans les starkings blocks. Les 2 femmes et les 6 hommes qui voulaient porter sur leurs épaules l’avenir de la Côte d’Ivoire ont commencé la « chasse » aux électeurs. Véritables prophètes doublés de magiciens marketteurs, ils ont promis monts et merveilles aux populations vivant en Côte d’Ivoire. Les petits poucets, au nombre de 6 (Konan Kouadio Siméon, Lagou Adjoua Henriette, Kouadio Konan Bertin, Kouangoua-Jacqueline et Gnangbo Kacou et Affi N’Guessan) étaient littéralement laminés et écrasés par la puissante machine électorale du candidat-Président, Alassane Ouattara qui, comme dans Mortal Kombat faisait feu de tout bois avec ses alliés du Rassemblement Des Républicains (RHDP) à l’aide de posters géants, camions mobiles, ballons, gonflables, villages électorales, etc. Les petits poucets se disputaient timidement les interstices des panneaux d’affichage et les pans de murs défraichis des quartiers.
Kangoua Jacqueline, candidate indépendante
Violence de genre, genres de violence
L’un des faits marquants de la campagne électoral est sans nul doute la violence faite aux femmes. Les affiches distribuées aux candidats par la CEI présentaient les impétrants avec une belle part faite aux hommes. L’affiche affichait la discrimination. En effet, au bas de celle-ci, figurait les noms et prénoms des candidats avec, en bas, la mention « candidat ….. ». Le mot « candidat » désigne la qualité de l’impétrant avec, malheureusement, la référence masculine. Pour le candidat du Front Populaire Ivoirien (FPI) par exemple, on pouvait lire « Candidat FPI ». Pour le Président-candidat, « candidat RHDP ». Pour les femmes, on lisait « Kouangoua-Jacqueline candidat indépendant » et « Lagou Adjoua Henriette candidat RPC ». Comme si ces deux femmes, si « minoritaires » et si peu « représentatives » soient-elles, n’existaient pas, ou plus précisément étaient des hommes. Des hommasses. En clair, tous les candidats, quelque soient leur genre étaient perçus comme des hommes. Parce que certainement, la politique est l’affaire des hommes. En le faisant, la CEI a violé le droit de ces femmes d’être des femmes à part entière dans cette meute d’hommes. La CEI et toutes les structures impliquées dans le processus électoral ont royalement violé le droit de ces femmes. Mais, ensorcelées par les effluves dangereux du pouvoir, aucune de ces femmes n’a daigné lever le petit bout du petit doigt pour se plaindre. Comme si cela était normal. La mécanique de la violence symbolique a bien fonctionné. Elles ont tellement intégré cette forme de violence qu’elle est devenue normale dans leur manière de penser et de se représenter le monde, la vie politique. Victimes expiatoires du syndrome de Stockholm, elles sont tombées sous le charme d’un système qui les a lobotomisées au point qu’elles acceptent leur situation. Le comble, aucun membre de leurs staffs n’a perçu et dénoncé ce préjudice. A côté de cette violence basée sur le genre, on a vu pendant la campagne électorale, une violence qui s’est exprimé sur, par et avec les affiches. On a assisté a une vraie fusillade au cours de laquelle les affiches on servi de munitions entre les mains des acteurs de cette campagne. Les affiches des uns et des autres étaient déchirées. Lorsqu’elles n’étaient pas détruites systématiquement, les candidats subissaient la furia de leurs concurrents. En effet, sur leurs clones, les affiches, les yeux, la bouche et les nez des candidats étaient percés. On perce les yeux du candidat pour exprimer sa colère. On lui coupe les oreilles pour « ne pas l’entendre ». Cela reflète la violence multiforme qui traverse le champ politique ivoirien depuis la disparition du Président Félix-Houphouët Boigny en 1993. Recomposition du paysage politique : RHDP, toujours plus haut, toujours plus fort !
Affiches de campagne déchirées. Photo Silué
Le Président-candidat, avec le RHDP a reçu un plébiscite en remportant 83,66% des suffrages. Score sans appel. Le « tako kélé », le « un coup, KO » a marché. Alassane Ouattara a littéralement écrasé, chapardé ses adversaires. Ils n’ont eu aucune chance devant lui. La victoire d’ADO confirme la pertinence et la puissance de l’alliance entre le RDR et ses alliés du Parti Démocratique Africain (PDCI), l’Union pour la Démocratie en Côte d’Ivoire (UDPCI), l’Union Pour la Côte d’Ivoire (UPCI) et le Mouvement Des Forces d’Avenir (MFA). Comme en 2010, le RHDP rafle la mise. Au point de pousser ses animateurs à vouloir créer un parti unifié. Les adversaires du RHDP ont tenté de se regrouper au sein de la Coalition Nationale pour le Changement (CNC) pour ralentir voire freiner la machine électorale du RHDP. Les « frondeurs » du FPI et du PDCI n’ont pas pu opérer le changement. La CNC a explosé, emporté dans ses rêves. Le coup d’Affi Le représentant du FPI, Affi N’Guessan a remporté 9,29% de votants. Score lilliputien devant les 83% d’ADO. Opposant sorti de la cuisse du pouvoir en place à la suite d’une querelle judiciaire, Affi a été « désigné » comme président du FPI. Comme un bon sniper, il a su éliminer ses concurrents-camarades du FPI en mobilisant le fouet de la justice qui, à tour de bras, a mis fin à toute opposition par des arrestations et d’autres décisions judiciaires. Dernier des Mohikans de la guerre des héritiers du Président Gbagbo, Affi est allé à l’élection très affaibli, très contesté, très détesté. Il a été victime de son incapacité à rassembler les « fils » de Gbagbo et à pérenniser son héritage politique. Ses 9% sont un indicateur du manque de légitimité dont il souffre dans son propre parti.
Le plus jeune des candidats à la présidentielle 2015, KKB.
Les jeunes loups en embuscade, Ouattara. Et après ! Si l’on s’en tient aux propos d’Alassane qui compte quitter le pouvoir à la fin de ce deuxième mandat, on peut, dès à présent s’interroger sur l’avenir politique de la Côte d’Ivoire. En effet, Alassane Ouattara est le dernier du trio de feu des héritiers d’Houphouët-Boigny qui n’avait pas encore accéder au palais. En effet, après, Henri Konan Bédié et Gbagbo Laurent, c’était le tour d’Alassane Ouattara. Et cela signe en même temps la fin d’une génération, celle des seniors qui sont tous atteint par la limite d’âge pour briguer la fonction de Président. Du coup, 2020 ouvre la voie à l’arrivée aux affaires d’une nouvelle génération d’acteurs politiques. Au nombre de ceux-ci, on peut citer, Soro Guillaume, l’actuel Président de l’assemblée nationale et Hamed Bakayoko, le tout puissant Ministre de l’intérieur. Ce sont de redoutables jeunes loups aux dents longues. Leurs CV sont impressionnants. Si l’un a été à la fois le porte-flambeau de la rébellion apparue en Côte d’Ivoire le 19 septembre 2002 et le leader du puissant syndicat étudiant, la Fédération Estudiantine et Scolaire (FESCI), l’autre a aussi été leader de jeunesses et est actuellement une pièce maitresse du système Ouattara. Comme Soro a dirigé l’armée des Forces Nouvelles (FN), Hamed Bakayoko est le patron de la police de Côte d’Ivoire. Et de l’ambition politique, les deux hommes en ont suffisamment. A côte de Soro et Bakayoko, d’autres jeunes, tout aussi ambitieux pointent le bout de leur nez. Ce sont, entre autres, Kouadio Konan Bertin, KKB, son nom de « guerre » en politique. Contrairement aux autres, vient de capitaliser une expérience dans l’élection présidentielle. Comme les deux premiers, KKB a lui aussi la force et la témérité de défier la vielle garde politique. Il n’a pas hésité à se présenter à l’élection présidentielle et a se mettre à dos tous les « elders » et leurs thuriféraires. Ambitieuse, courageuse et intelligente, cette nouvelle classe politique monte. Le renouvellement des cadres politiques ivoirien est en cours. Les jeunes arrivent avec de nouvelles approches, de nouveaux modes de participation politique qui sont parfois à la limite du légal, de la légalité. En effet, devant des anciens qui peinent ou plutôt traient les pieds pour passer le flambeau, les jeunes loups n’hésitent pas à user de la force, de la violence et de la ruse pour s’opposer pour s’imposer. Gageons que cette fougue n’entrainera pas la Côte d’Ivoire dans un autre tofelskreis, cercle vicieux.

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