L’Ebola est mortel. Lavez-vous régulièrement les mains au savon. Désinfectez tout a l’eau de javel. Signalez vite tout cas suspect au 143 ou au 101

vendredi 8 août 2008

Les espaces de discussion de rue à l’épreuve du changement social. Les habits neufs de la Sorbonne d’Abidjan.


Depuis la mi juin 2008, une animation particulière anime la Sorbonne d’Abidjan. Des menuisiers, des maçons et d’autres manœuvres réaménagent l’espace. La démolition annoncée s’est muée en une harmonisation de la Sorbonne avec son environnement.

Les raisons de la réhabilitation

La Sorbonne d’Abidjan mène ses activités dans la commune du Plateau. Localisée au cœur du District d’Abidjan, le Plateau couvre un espace de 394 ha communément appelé « langue de terre » du fait du front lagunaire (ébrié) qui entoure ses flancs Est (baie de Cocody) et Ouest (baie du Banco). Après avoir abrité l’administration coloniale en 1934, le Plateau est devenu avec les changements socio-culturels et politiques, le centre de la vie politique, économique et sociale de la Côte d’Ivoire. La commune du Plateau compte 18.441 habitants et se distingue par son architecture et ses activités. Les nombreux buildings abritent les bureaux des ministères, les directions centrales et générales, les banques, les délégations diplomatiques, les agences et les galeries commerciales. La commune accueille, selon le Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement (BNETD), plus de la moitié de la population abidjanaise (Le District 2001). Le Plateau se caractérise par une inexistence quasi-totale de possibilité d’extension parce que la recherche de logements reconvertis en bureaux ou remplacés par des immeubles spécialisées ont pour effet de concentrer la population en des lieux spécifiques (BNETD 2005).

Dans le cadre de la mise en œuvre de son programme d’assainissement, la mairie du Plateau a commandé une étude d’expertise de la Sorbonne pour évaluer les potentialités d’exploitation de cet espace. Selon un rapport de l’Office National de la Protection Civile (ONPC), «en vue de prévenir les risques éventuels d’incendie, d’explosion et de pollution de toute sorte, la commission spéciale de sécurité incendie émet un avis technique défavorable à l’exploitation des installations précaires et anarchiques réalisées aux abords de ce dépôt qui présentent de graves dangers pour la vie des populations ». La Sorbonne est donc selon la mairie source de menaces potentielles au nombre desquelles l’on compte les risques d’incendie, l’insécurité et les nuisances sonores. L’espace est considéré comme une marque de prolétarisation de l’espace et du paysage de la commune. Elle défigure ce que le maire du Plateau, Akossi Bendjo lui même appelle la ‘’miss des communes’’.

En plus de ces raisons d’ordres environnementaux, se placent l’épineuse et délicate question de l’administration financière mais surtout le problème sensible de l’inclinaison politique de la Sorbonne. Depuis la démolition du marché de la commune, la Sorbonne a « récupéré » la plupart des commerçants qui y exerçaient. A ceux-ci se sont ajoutés certaines personnes déplacées du fait de la guerre du 19 septembre 2002. A ce niveau il importe de souligner la fonction paradoxale d’Abidjan. Avant les évènements de septembre, la capitale était redoutée par une grande majorité des populations qui préféraient se concentrées dans les villes de l’intérieur pour réduire les dépenses familiales et extra-familiales. Evalué à 10% en 1985, le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire est passé à 32,3% en 1993 et à 34,8% en 1995 pour s’établir à 33,6% en 1998 [1]. Avec la guerre, Abidjan est devenue le symbole du loyalisme, de la résistance, ville-forteresse qui a délogée les rebelles qui tentaient de s’emparer du pouvoir d’Etat [2]. La logique sécuritaire à crée un flux de populations vers la capitale. Le succès des premiers vendeurs attirent de nouveaux commerçants notamment ceux du secteur des NTIC (CD, DVD, VCD, DVix, téléphones cellulaires et leurs accessoires, etc.). Dès lors la mairie commence à s’intéresser à cet espace qui tend à être une véritable source d’entrée de devises. Malheureusement elle peine à y percevoir des taxes. Les tentatives du BURIDA pour aider les artistes à ne distribuer que des « CD stikés » sur l’espace échouent. Selon la direction générale des impôts le manque à gagner de la mairie par rapport à la Sorbonne est évalué à 18 millions de F.CFA [3]. L’argent ne masque pas les enjeux politiques qui opposent la mairie à la Sorbonne. Depuis 1990 l’espace de libres échanges fonctionne comme le cœur de toutes les revendications et contestations collectives populaires qui se construisent ou aboutissent au Plateau. L’adhésion de la Sorbonne au sursaut patriotique en septembre 2002 a complexifié davantage ses relations avec la municipalité [4]. Depuis cette date elle est considéré comme un vecteur perturbateur qui bat le rappel des troupes de tous les « désaffiliés » de la capitale. Ainsi, le maire a relancé son projet d’assainissement pour « contrer » l’hégémonie socio-politique d’un « administré » qui « fait de la résistance » [5].

Les résultats d’un compromis ‘’win-win’’ ?

Le bras de fer entre le maire et les acteurs de la Sorbonne s’est quelque peu assoupli. Ils ont trouvé un terrain d’entente. La Sorbonne a accepté de réduire son niveau de « dangerosité » en réaménageant l’immeuble des 60 logements. Les vendeurs installés en bordure de la route face au jardin public ont été recasés dans des box construit en dur. Ils ont délaissé les étages en bois qui obstruaient la chaussée. La circulation est plus aisée en dépit de l’accroissement de la population de travailleurs sur l’espace. Leur identification est assurée par une immatriculation visible au code qui se situe au linteau de l’entrée. La toiture de fortune (faite de sachet noire tenue par des lames de bois) de la salle VIP est remplacée par des feuilles de tôles. La salle s’est même agrandie pour les « étudiants » qui viennent de plus en plus nombreux écouter les « Professeurs » (orateurs). Des troncs de cocotiers sont venus renforcer les bancs devenus insuffisants. Le chantier se poursuit dans le sens de la « modernisation » de la Sorbonne. Ces acteurs ont gagné le pari de ceux qui ne vendaient pas chère la peau des « Sorbonnards » et des « Sorbonniens ». Par la négociation et l’exercice de la violence effective sur son territoire la Sorbonne a pu se maintenir sans faiblir. Du reste, les orateurs eux-mêmes soutiennent qu’ « en politique on ne fait jamais la passe à son adversaire ». Les transformations auxquelles l’on tente de la soumettre résultent du mouvement général des forces politiques et civiles ivoiriennes elles-mêmes en pleine mutation devant des idéologies protéennes telles que l’occidentalo-atlantisme, les terrorismes, l’asio-africanisme, l’indo-américanisme, l’arabisme, les christianismes, les islams, etc.

Pour l’heure on peut avancer que la Sorbonne est en train d’amorcer une autre phase de son évolution. Elle semble résister ou plutôt s’adapter assez bien aux transformations socio-politiques et technologiques de la Côte d’Ivoire. En témoigne la facilité avec laquelle elle s’est réappropriée les nouveaux produits culturels issus du développement technologique. Les cassettes VHS ont disparu et, les vendeurs qui ne commercialisaient que des CD et DVD en 2003 ont élargi leurs services en s’investissant depuis fin 2007 dans la vente de lecteurs CD et DVD. Les clients qui se plaignaient autrefois de la mauvaise qualité des supports (CD et DVD) ont maintenant la possibilité d’essayer sur place les produits achetés. Ces produits sont même en train de voler la vedette aux autres.

D’autres part les orateurs sensibilisent les travailleurs de la Sorbonne pour se conformer à son nouveau mode de fonctionnement. Ils intègrent bien le changement spatial qui a court à la Sorbonne en dépit d’un attachement à ce qu’ils appellent « leurs anciennes places ». Le mouvement suscité par les travaux de réaménagement appelle une anthropologie spatiale de la Sorbonne. Les déplacements ou déménagements se font par petites cohortes d’individus qui, à première vue ne sont regroupés que par secteurs activités. Ainsi les restaurateurs occupent un espace donné pendant que les couturiers et autres spécialistes du textile sont ailleurs. Le regroupement sectoriel ne gomme pas la vitalité des réseaux sociaux dans les transactions. En dépit de la « séparation », ceux qui ont travaillés ensemble pendant de longues années ont tendance à collaborer plus facilement entre eux qu’avec les autres. Les liens d’amitié et de parenté jouent également un rôle dans la gestion des affaires. Les conflits qui surviennent sont vite maîtrisés par les relations d’ancienneté dit de « doyennat ». C’est d’ailleurs sur cette base que se sont effectué les déplacements. Les plus anciens ont été recasés les premiers et les autres ont suivis après. Durant toute la journée ce sont les expressions « mon frère », « mon vieux », « la tantie », « mon petit » qui meublent une pratique discursive qui laisse transparaître des modes endogènes de gestion des rapports sociaux.

Références

1. DSRP 1992

2. Soro, G., 2005, Pourquoi je suis devenu un rebelle, La Côte d’Ivoire au bord du gouffre, Paris, Hachette Littératures.

3. L’Inter, N° 2977 du mercredi 16 avril 2008.

4.Blé, Goudé C., 2006, ‘’Crise ivoirienne’’. Ma part de vérité, Abidjan, Leaders’ team associated et Frat Mat éditions.

5. Fraternité Matin, N° 13029 du 16 avril 2008.

vendredi 4 juillet 2008

Ingrid Bétancourt, superstar des otages des FARC ou de la communauté internationale ?


Depuis le 2 juillet, la franco-colombienne Ingrid Betancourt est libre. Elle a recouvré la liberté après une opération militaire "impécable" organisée par l'armée colombienne. Derrière cette libération qui fait la une de tous les journaux se profile la construction d'un autre scénario politico-militaire.



La candidate, le soldat et le guerillero


Elue député en 1994, Ingrid Bétancourt décide de se présenter aux élections présidentielles de la Colombie en 1998. Elle est enlevé par les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) en compagnie de sa directrice de campagne Clara Rojas le 23 février 2002. Plusieurs opérations de libération (pacifiques pour la plupart) ont été tenté pour la sauver. La presse rapporte à plusieurs reprises qu'elle a été malade. Mais rien ne pouvait infléchir la position des FARC qui ont décidé de faire de cette jeunne femme la favorite de ses otages. L'élection du Président Sarkozy de même que les manoeuvres du Président colombien ne changeront rien, ou presque. Car le 2 juillet, une ènième tentative menée à l'abri des plumes, des caméras et des micros trop bruyants de la presse abouti à la libération de la candidate-otage en compagnie d'autres camarades de cellule ou plûtot de ''brousse''.

Ingrid Bétancourt ou la construction de la figure emblématique de l'otage

La candidate-otage a, durant tout son séjour aux côtés de ses ravisseurs, ravi la vedette aux autres otages. Elle a plongé dans l'anonymat de nombreuses personnes qui sont mêmes entrées avant elle dans la captivité. Cette ascendance de Bétancourt sur les autres découle du statut particulier dont elle a jouit. Elle a concentré en elle, les figures à la fois de l'Etat en plein processus de dépérissement ou plus précisement d'affaiblissement. Elle était l'image réifiée d'un Etat en faillite. De plus, cette femme symbolisait la figure de la femme oppressée par un système marqué par le patriarcat. Dès lors, sans versé dans un féminisme candide, on peut avancer qu'elle a attiré vers elle la sympathie des femmes et de leurs défenseurs. Mais c'est bien évidement son statut de femme politique qui lui a valu sa notoriété. Les deux identités entre lesquelles elle ''surfait'' l'ont amené a porté les souffrances des autres otages sans noms et sans visages.

Dépasser l'euphorie pour ne pas oublier l'alter


Il convient de garder la tête froide apès la libération de Bétancourt. Car derrière cette femme se trouve de nombreux autres otages qui meurent de malaria et autres maladies tropicales. Il faut maintenir la pression sur les FARC pour que tous les otages soient libérés. Et l'arme redoutable de ce combat est Ingrid elle-même. Elle sera le porte flambeau de ses victimes qui souffrent dans le silence.

mardi 6 mai 2008

Aimé Césaire : la fin de la « trêve » négritudienne ?


L’écrivain, poète et homme politique français d’origine martiniquaise est décédé hier, jeudi 17 avril 2008. La disparition de cet homme, l’un des premiers chantres de la négritude pose, encore, le vieux problème, sans cesse ressassé de la construction l’identité africaine dans un monde dynamique.

La négritude césairenne : le combat d’un révolutionnaire controversé

Le mouvement de la négritude est apparu au grand public sous les traits du journal « Légitime Défense » en 1932 à Paris. A l’initiative de jeunes étudiants martiniquais ce journal qui n’est paru qu’une seule fois, prêche la libération d’un style d’écriture et d’une identité violée : celle des africains. Pour césaire : « La négritude est la simple reconnaissance du ait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture ». Comme il le dit lui-même : « Ma bouche sera la bouche des malheureux qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celle qui s’affaissent au cachot du désespoir ». A la fois phénomène civilisationel et historique, la négritude trouve avec Césaire une approche difficile, complexe, parfois brutale. Contrairement à Damas qui aborde la question de l’identité africaine sous une approche plus diplomatique, Césaire met le doigt sur la plaie sans complaisance. Au point d’indisposer ses compatriotes et d’agacer la métropole.

Dans ses œuvres Césaire s’est lancé dans la construction d’une identité qui restitue aux africains toute leur spécificité ontologique. Fin psychologue il a invité la communauté noire à un examen de conscience impartial pour regarder en face, sans faux fuyants, son identité. En effet, à une époque d’échanges entre les peuples, les dérives de l’acculturation. Le poète iconoclaste ramène à l’ordre ces noirs-blancs ou blancs-noirs qui refusent d’afficher « leurs cheveux crépus », de « bâiller sans tralalas », de boire « l’eau de coco qui faisait glouglou dans mon ventre au réveil ». Durant toute sa vie il a mené la vie dure aux africains qui refusent leur « négritude ». Tournant le dos à l’élite aliéné, le « bâtard » qui n’a plus de peau, plus de couleur, il a refusé le projet hégémonique de la colonie. Il a marqué un bémol à la logique de « séances de swing », de «lâchage », de « léchage » et de « lèche ».

L’on serait tenté de confiner l’œuvre de Césaire dans le registre du discours victimaire. Celui qui fait l’éloge d’un être tourmenté par son vis-à-vis. Victime passive et consentante d’un sacrifice expiatoire consacré sur l’autel de la folie du développement de nations vautours. L’écriture de césaire est plutôt celle d’une communauté qui s’engage à sortir de sa condition en mobilisant ses ressources endogènes.

Que vaut la négritude aujourd’hui ?

Le mouvement de la négritude a tout son sens aujourd’hui. Les nombreuses crises qui traversent la plupart de nos sociétés trouvent leurs origines dans la perturbation de l’identité. Inconstante, celle-ci bouge, se dé-constuit au contact des opportunités. Ainsi, l’identité peut revêtir autant de formes que de situations. D’où la difficulté à régler certains conflits armés et/ou politiques. Des communautés qui ont vécus en parfaite intelligence pendant de longues années entreront en conflit si les ressources (terres cultivables, eaux, énergie, mine, etc.) diminuent. Les logiques de conquête, conservation, renforcement ou élargissement de pouvoir de contrôle de ces ressources font le lit d’une vision manichéenne des relations. C’est l’installation d’un JE et d’un NOUS qui excluent les EUX et les VOUS. Ce qui bien évidemment empêche la construction d’un dialogue des cultures que Césaire portait en lui comme une estampille en adoptant la nationalité française. Il était l’un des nombreux exemples du métis, cet être pluriel qui bouge et circule entre plusieurs identités.

La nouvelle négritude, celle d’aujourd’hui fait la synthèse des valeurs africaines avec celles des apports étrangers. L’Afrique ne remportera pas seule le combat du développement. Pour se faire, il faut répudier les clichés construits autour de la négritude. Il est temps de décoloniser la négritude en lui « donnant la chance de se mouvoir » pour entrevoir des perspectives globales qui s’affranchissent des frontières temporels. L’accession des Etats africains à l’indépendance de même que la participation à certaines activités de l’ONU ne signifie pas la fin de la négritude. Il s’agit de l’ajuster, de l’adapter aux nouveaux défis qui se posent à nous. Pour ne pas sonner la fin de la « trêve ».

vendredi 18 avril 2008

Fin de parcours pour le chantre de la négritude


Le poète, homme politique et écrivain martiniquais est décédé hier des suites d'un mal pernicieux qui l'a emporté. Le chantre de la négritude laisse derrière lui un immense héritage intellectuel et culturel.

mercredi 16 avril 2008

Bastonnade de Laurent Pokou : une photo pour le dire.


Pas de texte, pas de mot, rien qu'une image pour le dire, l'horeur que l'ancienne gloire du football ivoirien, Laurent Pokou a vécu. Il a été passé à tabac par des policiers lors d'un contrôle à un barrage dans le quartier populaire de Yopougon.
Pour se convaincre de l'inutilité et de la gravité de de la violence plicière il sufit de jeter un regard sur le parcours de l'homme.

"Pokou a été sacré à deux reprises meilleur buteur de la C.A.N. : avec 6 buts en 1968 en Éthiopie, et 8 buts en 1970 au Soudan, dont 5 en un seul match contre l`Éthiopie, battue 6 à 1, ce qui lui valu le surnom de L`homme d`Asmara (Asmara : ancienne ville d`Éthiopie devenue la capitale de l`Érythrée). Avec ses 14 buts, il a été pendant 38 ans le meilleur buteur de cette compétition, record établi sur 2 coupes d`Afrique des nations pendant 4 ans au moment où la can se jouait avec 4 ou 5 équipes."

Source

www.abidjan.net


Les greniers de la faim


Le feu est toujours éteint !

En dépit des informations faisant état de la réduction des prix des denrées de première nécessité, les ivoiriens peinent à se nourrir. Et pour cause, les prix sont toujours en hausse. Non seulement les propositions du gouvernement sont insuffisantes mais certains commerçants profitent de la crise pour procéder à une augmentation sauvage de leurs prix.

La rue grognr toujours....en sourdine

Les populations ne savent pas à quel saint se vouer. La pluaprt des familles veulent crier leur ras le bol mais craigent de suvir le sort des victimes de la dernière sorite de l'armée. Cette situation est d'autant plus stressante que les médias publics, notamment la télévision qui devait porter leur voix auprès des décideurs est étouffée par le Directeur de la Radio Télévision Ivoirienne (RTI), "pour préserver la paix sociale" a dit-il affirmé dans un communiqué datant du mardi.

vendredi 4 avril 2008

Le préservatif déchiré


Le prix des produits de première nécessité flambent. Les gens se plaignent et oublient que dans le silence, un autre drame couve. Celui de la cherté du préservatif masculin. Le condom féminin ? Il y a belle lurette qu'il est inaccessible.


La douce hausse du coût du préservatif

Le processus de paupérisation qui se caractérise par une hausse sensible des produits de première nécessité depuis quelques temps a gagné les populations exposées au SIDA. Depuis quelques temps le coût du préservatif a augmenté sur le marché. De 100 F.CFA le paquets de 4 préservatifs ‘’Prudence’’ est passé à 150 F.FCA soit une hausse de 50%. Le plus célèbre des latex sanitaires qui est entré dans les mœurs des ivoiriens dans les années 90 commence à disparaître. Il s’est retiré des tablettes des petits revendeurs qui desservent les quartiers en Côte d’Ivoire. Et comme par enchantement, comme si les organisations de défense des droits de l’homme ignorent ce qui se passe, personne n’en parle.

Un silence inquiétant

La cherté du préservatif entraînant son absence, il est devenu difficile pour les populations de se procurer le paquet de préservatifs. La plupart des petits revendeurs n’en vendent plus et ceux qui en ont, l’écoulent à un prix inaccessible aux plus démunis. Cette situation expose la vie de plusieurs milliers de personnes à des risques de contraction d’infections sexuellement transmissibles tels que le VIH/SIDA, la syphilis, la gonococcie, etc. En clair, le contingent des malades invisibles grossit discrètement et doucement. Le réflexe d’usage du préservatif qu’on a tenté, pendant de longues années à inculquer aux populations, n’est plus entretenu. Et pendant ce temps, les ONG et autres associations de lutte contre le VIH/SIDA poussent comme des champignons avec, en prime, une lutte acharnée pour inventer des mots sexy pour séduire quelques généreux bailleurs de fonds.

Mieux habillé pour mieux vendre

Loin de ces apprentis sorciers, l’acte sexuel devient dangereux pour les plus pauvres. En effet, ils ne sont pas à mêmes de s’offrir ces préservatifs de luxe qui s’affichent fièrement dans les belles vitrines des pharmacies, des centres commerciaux et même sur certains rayons des tablettes des petits revendeurs. Leurs prix oscillent entre 300 et 2.000 F.CFA avec des ‘’extras’’ pudiquement exposés par les fabricants : préservatifs solides, fins, cloutés, striés et agréablement parfumés avec des fruits exotiques. Faire l’amour devient un agapè digne des repas festifs du roi Salomon.

Chic, choc, sexy

Le résultat de cette guérilla de marketing est assez éloquent sur le terrain. Une armée de jeunes filles au sex appeal très agressif prend d’assaut les cités universitaires, les lycées et collèges et les autres espaces publics. Pendant que ces petites merveilles sont proposées a coups de campagnes publicitaires hollywoodiens, les pauvres qui ne parviennent pas à s’offrir ces préservatifs saturés de snobisme, délaissent le latex.

Prévenir pour mieux secourir

Cette situation est d’autant plus inquiétante que selon la Ministre ivoirienne de la lutte contre le VIH/SIDA Mme Christine Adjobi, « Plus de 90% de personnes en Côte d ‘Ivoire ignorent leur statut sérologique » [1]. Cette ignorance est porteuse de menaces. Elle construits des cohortes d’agents diffuseurs de la maladie. La pandémie vient s’agréger à l’inflation des coûts des autres produits de première nécessité comme le lait, l’essence, l’huile, le riz, le sucre, etc. Un choix cornélien s’impose aux consommateurs à faible revenu : survivre en s’alimentant ou survivre en se protégeant. Les deux options sont toutes entières dans la mesure où elles sont génétiquement et socialement inscrites dans les pratiques humaines. La bataille menée pour la réduction des prix des autres produits ne doit pas occulter celle du préservatif. Car tout comme la miction, la reproduction ne doit pas être une partie de roulette russe. Le combat n’en est qu’a ces débuts parce que les populations ne se sont pas encore réappropriés le préservatif féminin qui reste encore méconnu sinon inconnu. Plus de la moitié des ivoiriens en activité sexuelle n’ont jamais vu de condoms de femmes. La plupart des femmes ne l’ont jamais utilisé du fait de son prix, 1.000 F.CFA, de son mode d’utilisation et des représentations qui lui sont attachés.


Références

Fraternité Matin, N° 13011 du mercredi 26 mars 2008

L’Inter, N° 2959 du mercredi 26 mars 2008

jeudi 3 avril 2008

Marche des femmes contre la flambée des prix en Côte d’Ivoire. Mourir de faim ou d’une balle dans la tête ?

Plusieurs manifestants dirigés par les femmes ont protestés hier contre l'augmentation sauvage des prix des denrées de première nécessité. L'opération ville morte s'est soldée par un jeune abattu par balle 23 blessés et 19 arrestations.


Des prix qui grimpent, un pouvoir d'achat qui dépérit

Le début de la semaine a été très mouvementé en Côte d'Ivoire. Le lundi 1er et le mardi 2 avril 2008, des femmes ont pris d'assaut les grandes artères des quartiers populaires de Yopougon et de Cocody en scandant des « On veut manger, on veut manger, on veut manger ». Le mouvement s'est très vite étendu à d'autres quartiers de la ville d'Abidjan et même dans certaines villes de l'intérieur. Ainsi, les femmes sont également sorties dans les quartiers d'Attécoubé et Port-Bouët et les villes d'Adiaké et de Bassam.

Ces femmes se sont soulevées contre la hausse sauvage des prix des denrées de première nécessité entre février et mars 2008. De 1.200 FCFA le kilogramme de viande est passé à 1.700 voire 2.000 FCFA. Le litre d'huile qui était à 600 FCFA se vend aujourd'hui à 1.000 FCFA quand le prix du sac de riz oscille entre 12.000 et 20.000 FCFA. Le petit pain de savon de Marseille (BF 4) qui se vendait à 250FCFA est à 350 FCFA. Le carton de lait est passé de 1300 CFA à 2000 FCFA. A cette situation il faut ajouter le fait que le transport public a augmenté ces prix depuis l'année dernière. La situation est devenue intenable pour les populations dont la plupart ont un pouvoir d'achat très faible [1].


La violente réaction du pouvoir en place contre la marche des femmes

La stratégie des femmes pour manifester était toute simple. Le visage badigeonné de kaolin, elles se sont armées de vielles casseroles pour faire le maximum de bruits dans le but de se faire entendre et, éventuellement, comprendre. Le mot d'ordre est largement suivi puisque qu'il a été largement diffusé par SMS sur le téléphone portable des principales responsables du mouvement. Les femmes ont pris d'assaut les principales artères du District d'Abidjan où ont été érigées des barricades. A Cocody, Riviéra, au II Plateau, à Port- Bouët, Yopougon, et d'autres communes, les voies étaient obstruées par des tables bancs, des blocs en béton ou des pneus enflammés, des troncs d'arbre, des branches, des poubelles vides et/ou pleines.

C'est le quartier de Port Bouët qui a vécu la plus grande violence. Déterminées a bloquer l'axe des villes Abidjan-Bassam, elles se sont heurtées a un important dispositif de forces de l'ordre constituées par les éléments de la police et de la gendarmerie appuyées par des commandos de la gendarmerie et des corps d'élite de la Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS) et du Centre de Commandement et de Sécurité (CECOS). Pour mesurer l'ampleur de la violence disproportionnée nous reproduisons le témoignage du frère du jeune homme (la victime se nomme Abel Yao) qui a été abattu par un policier à Adjouffou, un sous quartier de Port Bouët : « Aux environs de 12 heures, un policier en tenue, à bord d'un véhicule de type Mercedes, s'est présenté au niveau d'un de nos barrages dressés ici (à Adjouffou). Il nous a demandé d'enlever le barrage afin qu'il passe. Ce que nous avons refusé. Il échangeait en des termes durs avec mon grand frère (Abel) lorsque nous avons aperçu, à une centaine de mètres, un cargo des FDS qui fonçait sur nous. La foule s'est aussitôt dispersée. C'est à ce moment que le policier a tenté d'immobiliser mon grand frère sans succès. Abel courait, pendant que le policier ouvrait le feu sur lui. C'est finalement le troisième coup de feu qui atteindra mortellement mon frère au niveau du crâne. Après son forfait et face à la furie de la foule, le policier a été escorté par le cargo des FDS jusqu'à ce qu'il s'éloigne des lieux, en prenant la direction de Grand-Bassam » [2].

Le corps sans vie d'Abel sera transporté par des jeunes dans plusieurs sites qui symbolisent l'autorité et la puissance de l'Etat pour témoigner aux yeux de tous de la barbarie des forces de l'ordre. Ainsi c'est dans une charrette que le corps sera transporté à la morgue. Non satisfaits des dispositions administratives qui leur sont opposés, ils continuent leur marche funèbre jusqu'au commissariat de police le plus proche où ils exposent le corps de leur camarade.


Les dessous de la violence ou comment le pouvoir instrumentalise l'inflation

La récente marche des femmes contre la cherté de la vie peut être assimilée a celle des femmes sur Grand Bassam en 1949 [3]. Si les femmes de 1949 ont marché pour réclamer la libération des dirigeants de leur parti qui étaient emprisonnés, celles de 2008 ont, en tant que maîtresses de foyers, manifesté pour la réduction des prix des denrées alimentaires sur le marché [4]. Un idéal les rapprochent cependant : l'amélioration des conditions de vie des populations.

Mais pour comprendre la réaction du pouvoir il faut la situer dans son contexte. La violence est la résultante d'un complexe de facteurs politiques. En effet, le samedi 29 mars dernier, le Président du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié anime un meeting de mobilisation à Yopougon [5]. Au cours de son intervention le Président du PDCI a à dénoncé la mauvaise gestion du pouvoir par le parti du Président Laurent Gbagbo, le Front Populaire Ivoirien (FPI).

24 heures seulement après le meeting, les manifestations contre la cherté des prix éclatent à Yopougon, lieu où le meeting du PDCI s'est tenu. Du coup, cherchant un bouc émissaire, le régime de Gbagbo accuse le PDCI et ses allés d'être à la base du soulèvement populaire. Convaincu de la récupération sinon de l'action invisible du PDCI le FPI se braque et lance dans la rue les forces de l'ordre préparées a ''mater toute rébellion en gestation''. Depuis le 19 septembre 2002, le régime Gbagbo est devenu méfiant. Il regarde avec circonspection tous les mouvements sociaux qui traversent le pays. Et des vies sont sacrifiées sur l'autel des querelles entre les politiciens qui depuis longtemps ont pris en otage des populations qui sont contrôlées par des formations politiques et les nombreuses organisations de soutien qui gravitent autour d'elles. Au lieu de s'en prendre à des femmes il serait judicieux, pour les acteurs politiques, notamment ceux du FPI d'appliquer le train de mesure qu'il vient de prendre. Il s'agit de la suspension pendant trois (3) mois des droits de taxes à l'importation pour le riz, l'hile, de table, le lait, la farine de blé, le sucre, le poisson, la boîte de conserve de tomates et le ciment. Le gouvernement a aussi annoncé la réduction de la TVA sur ces mêmes produits. Elle passe de 18 à 9%. Ces mesures seront accompagnées, selon le gouvernement, par une vigoureuse action de lute contre le racket. Pour l'heure la télévision et la radio locale censurent toutes les informations relatives à ces événements. Avait-on besoin de tuer et de blesser des populations aux mains nues arriver à des décisions dont l'application n'est pas sûre vu le laxisme qui mine l'administration ivoirienne ?


Références

  1. AKINDES, F., (2000). ''Inégalités sociales et régulations politiques en Côte d'Ivoire''. In Politique Africaine (78). Lire aussi BANEGAS, R et LOSCH, B. (2002). ''La Côte d'Ivoire au bord du gouffre'' in Politique Africaine (87)
  2. Fraternité Matin, N° 13017 du mercredi 2 avril 2008
  3. DIABATE, H., (1975). La marche des femmes sur Grand-Bassam, Abidjan et Dakar, NEA
  4. Soir Info, N° 4074 du mercredi 2 avril 2008
  5. L'Intelligent d'Abidjan, N° 1354 du mardi 1er mai 2008

Media expert against AIDS


From March 25th to 30th 2008, African journalists from 24 countries attended the first conference on AIDS in western and central Africa. The network of professionals of Media and Arts Committed in the struggle against AIDS (REPMASCI) invited African journalists to think about media contribution against this disease.


African media want to take part in the struggle against AIDS. The Ivorian Minister of the struggle against AIDS, Ms Christine Nébout Adjobi encouraged the participants and said: “more than 90% people in Côte d’Ivoire don’t know their serologic status. About the specific case of Côte d’Ivoire, only 8% of the population ha had an HIV test. We are waiting for more results of our labour. Your dynamism will prompt many others to action because the other sectors still are late”.

For Mr. Bamba Youssouf, the President of REPMASCI, this conference is not the first one in Africa. It has learned from errors and weakness of the past for a strong coalition of African media against Aids. It creates a favorable environment for the prevention of the disease.

Doctor Hortense Gbaguidi-Niamké, the representant of Nana Tanko, executive director of OSIWA noted that media broadcast information which influence attitudes, behaviors and political decisions. She said: “we need media as change forces for a social behavior change encounter the pandemic disease but also for a change conception of Aid’’. Mr. Nicolas Demey reiterated the agreement of United Nations to support all the actors of the struggle, particularly media, to stop together the spread of Aid and to inverse the present trend.

Poll on 7 august - Ivorian President


As elections approach in Côte d’Ivoire, the President Laurent Gbagbo visited to his South African counterpart in Cape Town.


This visit took place as all the Ivorian are waiting for the peace back by free and fair elections. We remember that the agreements signed in Pretoria in 2003 and the strong implication of the South African President Mr. Thabo Mbeki.

Two main points where on the agenda: the assessment of agreement of Ouagadougou signed on March 4, 2007 and additional agreement and the general elections of 2008. The both Ivorian and South African President notes the advanced of the national process of reconciliation. The difficulties block all the process. As concerning the elections the Ivorian President said: “The ideal is that the elections must be organized before the 7 August. We must celebrate the elections with a new President”. Côte d’Ivoire celebrates his independence the 7 August.

The President Thabo Mbeki said: “we will continue to support the national process”. It is strength message to all the international community. South Africa will sit in Security Council in April. Thabo Mbeki asserted that South Africa will “support Côte d’Ivoire until in the Security Council”. The comity of evaluation of Ouagadougou agreement will meet on Friday to take stock of the situation. Laurent Gbagbo’s visit will continue until Friday.

The postponed of the elections is undisputable. Mr. Mambé Beugré, the President of the Commission électorale Indépendante (CEI), the independent electoral commission doesn’t move away this option. As concerning him, the commission can demand the organization of the elections after June. The setting up of the electoral list and the public hearings are not achieved. We notice that the political Headquarters’ are prepared themselves for the electoral competitions.

Women peace maker in Côte d'Ivoire

The International Women's Day where dedicaced to the peace in Côte d'Ivoire. The theme of the 2008 edition where : peace building by women. The official ceremony took place in Gagnoa (where the President originated from). Lost of political personalities showed their support to women : Soro Kigbafori Guillaume (the Prime Minister), the President Koudou Gbagbo Laurent and his wife, Simone Ehivet Gbagbo and the representants of women organizations. Ms. Jeanne Peuheumond where followed by l'Association Ivoirienne des Femmes de Côte d'Ivoire (AIDF), The Ivorian women association, la Coalition des Femmes Leaders de Côte d'Ivoire (CEFEL-CI), the coalition of ivorian women leaders, l'Association des Femmes Juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI), ivorian women jurists organization, l'Oragnisation des Femmes Actives de Côte d'Ivoire (OFACI), the women leading organization, ...
Women where also celebrated in all the others regions of the country. The very first celebration of this day took place in Korhogo (where the Prime Minister originated from).Women want to reconcile the North with the East by chosen differents towns. Certainly, the other celebration will unite all the Ivorians. For the time being, the 8 th March 2008 shows to all the national and International community that women can bring peace in Côte d'Ivoire. The leaders of political women organizations signed a good conduct chart. Among women who participated are : Henriette Dagri Diabaté, belonging to Rassemblement Des Republicains (RDR), the party of the long date political opponent of Koudou Laurent Gbagbo, Odette Lauougnon form Organisation des Femmes du Front Populaitre Ivoirien (OFFPI).

Crisi exits in Côte d'Ivoire


On ONUCI-FM, the President Laurent Gbagbo gave his point of view on the disarmament issue. For him, Côte d’Ivoire is getting out of the crisis. The disarmament is a very important step in this process. “We must pick up the arms before elections’’ said him. Elections will be organise after the disarmament. The date of elections can be revise if public hearing and census are not finished. We can expect June will be post pone. One year after the signing of Ouagadougou agreement we can note the optimist of the President in spite of the difficulties they meet with.
During the interview the President said we have money to finance the disarmament but we need the help of people. For the moment the African Bank of Development, the International world Fund and World Bank are our donors.
Ouagadougou agreement let some progress. On the security side the President remark the free circulation of the populations in Abidjan and in all the country like Bouaké in the centre, Korhogo and Odienné in northern, Man in western, Bouna and Nassian in eastern. The commercial traffic between the northern and the southern areas is flowing freely. The greatest proof of the peace is the moving of the Lorries from Burkina Faso, Niger and Mali to Côte d’Ivoire. The return of the Administration is the priority. The Sub-prefects of the areas under the control of the rebellion are working.
The interview treat about the relation between Côte d’Ivoire and International community are very good. In the past me get some problem with Stoudmann but no with the Organisation of Unity Nations. Mr. Choi, the representant (he is also the Representant of UN in Côte d’Ivoire) of the international community charge in certifying of elections.

15 billions for peace building in Côte d'Ivoire


Africa Bank of Development. Money for developement

Donald Kaberuka, the President of Africa Bank of Development is in Abidjan. He met Ivorian authorities (President Laurent Gbagbo, the Prime Minister Soro Guillaume and the Minister of Economy Bohoun Bouabré). Mr Kaberuka come to signe a agreement to finance peace building in Côte d'Ivoire. 15 billions of fcfa to help agriculture, school, and children and women victims of war in centre, northern and western areas of the country.

Armée ivoirienne. Enjeux et défis et de la reconstruction post-conflit.


Les revendications corporatistes affichées par le premier visage des mutins le 19 septembre 2002, le sergent Tuo Fozié, ont débouché sur une rébellion qui a opposé les insurgés à l'armée régulière, les Forces de Défense et de Sécurité (FDS). Après les combats, les frères d'armes tentent aujourd'hui de se rapprocher. Entre temps, de nouveaux défis sécuritaires s'annoncent, avec en filigrane de nombreuses interrogations.


Du refus du déclassement à la contestation corporatiste

La grande muette ivoirienne est sortie de sa réserve depuis quelques années. La période post-houphouétiste a fonctionné comme une boîte de pandore ouverte par l'armée. Le coup d'Etat du 24 décembre 1999 [1] qui s'est déroulé, aux dires de ses instigateurs, sans effusion de sang a fait des émules. 3 ans plus tard, en septembre 2002 d'autres soldats prennent d'assaut les sites stratégiques des grandes villes de Côte d'Ivoire pour revendiquer l'amélioration sinon la clarification de leur situation professionnelle. En effet, ces soldats nommés zinzins et bahéfouès [2] sont des anciennes recrues de la brigade rouge, forces spéciales crées par l'ancien Président, le Général Guéï Robert pour lutter contre le grand banditisme. Dissoute en 2000 après l'élection du Président Laurent Gbagbo les éléments de cette unité sont regroupés dans des casernes à Abidjan et dans d'autres villes de l'intérieur. Ils avaient été contingentés en attendant les conclusions de l'étude de leur dossier qui devait se solder par deux options : le retour au métier des armes ou l'insertion professionnelle dans la vie civile. Le cas zinzins et bahéfouès était d'autant plus délicat qu'il concernait des hommes rompus aux techniques commando. Du reste, ils sortaient tout droit de la machine à forger l'élite militaire de l'armée ivoirienne : le centre de formation commando d'Akandjé. Certains sont des transfuges de la Force d'Intervention Rapide Parachutiste Commando (FIRPAC). D'autres sont regardés avec circonspection parce qu'ils seraient proches des groupes armés qui ont commis des exactions à l'encontre de la population pendant la période de la transition militaire de 1999 [3].

Mais en attendant d'être situés sur leur sort, ces soldats sont transformés en vagabonds qui flânent sans objectif précis dans les casernes. Privés de leur solde, ils se contentent du soutien de leurs proches. Exaspérés par une longue attente qui n'en finissait, ces soldats prennent les armes. Ce qui était sensés être une simple revendication corporatiste se mue en rébellion qui prend le nom de Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN). Les Forces Nouvelles (FN) dirigée par Soro Kigbafori Guillaume constituent l'aile politique - et dirigeante - de cette rébellion. Selon lui le Président Gbagbo n'a pas travaillé à la réconciliation au sein de l'armée [4].

Pendant ce temps les Forces de Défense et de Sécurité de Côte d'Ivoire (FDS-CI) se réorganisent dans la zone gouvernementale. Plus de 3000 nouvelles renforcent les rangs de l'armée régulière.


La longue marche vers la reconstruction de l'armée. Refonder pour reconstruire ?


L'un des points d'achoppement à l'application des accords de Ouagadougou est la reconstruction de l'armée ivoirienne. Les avancées dans ce secteur hautement sensible et stratégique sont telles que certains observateurs de la vie socio-politique ivoirienne parlent de blocage du processus de sortie de crise. C'est pour mettre fin à ces conjectures que le gouvernement a mis sur pied un groupe de travail sur la reconstruction et la refondation de l'armée (GTRRA) le mercredi 10 mars 2008 à la Primature par le décret N° 2007-645 du 20 décembre 2007 portant création, attribution, composition et fonctionnement du groupe de travail « restructuration et Refondation » de l'armée. C'est un organe de réflexion ayant pour mission de proposer un cadre général d'organisation, de composition et de fonctionnement des nouvelles Forces de Défense et de Sécurité. Il est chargé de soumettre aux partenaires une stratégie globale de restructuration et de refondation de l'armée. Le comité de pilotage de cet organe est présidé par le Premier Ministre lui-même et comprend un représentant du Président Gbagbo, un représentant du facilitateur, des ministres du gouvernement (les Ministres du Plan et du Développement, la Défense, l'intérieur, l'économie et les finances), les chefs d'états-majors des deux armées ivoiriennes (FDS-CI et FAFN) et les commandants des forces impartiales (l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et la Force Licorne). L'installation du groupe de travail est une exécution du chapitre 3 de l'Accord Politique de Ouagadougou relatif aux Forces de Défenses et de Sécurité de Côte d'Ivoire (FDS-CI).

Le GTRRA est la énième solution trouvée par le Président Gbagbo et de son Premier Ministre Soro Guillaume pour vider la question de l'armée. En dépit du démantèlement des derniers fronts, les deux parties accordent difficilement leur violon sur la reconstruction de l'armée. La question des grades des ex rebelles n'a toujours pas été tranchée. Le facilitateur, le Président Blaise Compaoré a qui les parties ont confié la gestion de ce dossier ne s'est pas toujours prononcé sur cette question. Le sujet est d'autant plus délicat qu'il impose des concessions difficiles. Certains problèmes de fond comme l'insertion des nombreux combattants des deux camps n'invite pas à la collaboration. Les quotas proposés par les uns et les autres et les difficultés matériels cachent mal la volonté de conserver une parcelle d'une souveraineté matérialisée par le contrôle d'un territoire par ses hommes. D'autres part la réunification des caisses de l'Etat qui, a priori passe pour être une question d'ordre économique masque en réalité une stratégie militaire. Les structures financières (commerce, transport, agriculture, les richesses minières, etc.) robinets d'alimentation de l'industrie de l'armement et des réseaux de diffusion des idéologies politiques ne se cèdent pas aussi facilement. A ce sujet, les accords de Ouagadougou prévoient la restauration de l'autorité de l'Etat par le recouvrement des taxes et des impôts sur toute l'étendue du territoire. Un comité a été mis en place pour suivre l'application de cette clause.

Les défis de la nouvelle armée. Il faut sauver le soldat éburnéen.

Les violences engendrées par la guerre ne se limitent pas aux heures d'affrontement entre les groupes armés en présence entre 2002 et 2003. Le conflit a entraîné une crise sécuritaire qui revêt plusieurs formes. L'armée est traversée par des tensions qui se traduisent par des fautes de comportements et des fautes contre l'honneur militaire. Se prononçant sur la radiation de 900 recrues entre 2004 et 2008, le Chef d'état-major des FDS-CI estime que « ces soldats de rangs qui ont été radiés font la honte de l'institution militaire, en ce qu'ils sapent ses fondements, son honneur et bafouent ses principes de base qui s'appuient sur le socle de la discipline. Ils ne sont pas dignes d'être militaires. D'où leur radiation de l'outil de défense et de sécurité » [5]. Cette mesure intervient au moment où des violences orchestrées par des militaires loyalistes ont éclatées à Guiglo, Blolequin, Duékoué et Guiglo, des localités de l'ouest de la Côte d'Ivoire, la semaine dernière. Le décès de l'un des leurs à la suite d'une agression a réveillés les vieux démons de la revendication corporatiste. Il s'agit, pour les soldats, de revenir occuper les corridors, ils ont exigé le départ du gouverneur militaire le colonel major Guié Globo et l'organisation de patrouilles dans les villes où ils sont regroupés. Ils ont surtout dénoncé leurs conditions de vie depuis le regroupement des soldats auparavant déployés sur la ligne de front [6]. Cela renforce la brutalisation [7] des champs politique et militaire ivoiriens.

La nouvelle armée ivoirienne devra également faire face à une monté en puissance de la criminalité. Les agressions ne visent plus seulement les domiciles des citoyens anonymes. Elles concernent aussi les entreprises et souvent même des institutions de la République tels que le Conseil économique et social qui a été cambriolé il y a quelques mois. Le mode opératoire s'est affiné dans la mesure où se sont des armes de guerre qui sont mobilisés (kalachnikovs). Les enlèvements suivis de demande de rançons, les prises d'otage et le trafic transfrontalier des enfants voire des adultes rappellent ironiquement les films hollywoodiens. Les yahoo boys et yahoo girls qui se promènent sur la toile se livrent de plus en plus à la confection de faux documents administratifs et à des siphonages de fonds bancaires. La télévision ivoirienne à exhiber plusieurs faussaires arrêtés par les éléments du Centre de Coordination des Opérations de Sécurité (CECOS). Mais la situation sécuritaire de la Côte d'Ivoire n'est pas désespérante. Le mercredi 26 mars 2008, l'ONUCI a annoncé au cours de son point de presse hebdomadaire la baisse du niveau de sécurité. Les régions de Bouaké, Séguéla (au centre), Korhogo (au nord), Man et Guiglo (à l'Ouest) passent de 4 à 3 et le reste du territoire ivoirien de la phase 3 à la phase 2 [8]. Mais en dépit de cette baisse sensible de l'indice de sécurité, les défis qui attendent la nouvelle armée de Côte d'Ivoire sont énormes. Ils nécessitent une véritable prise en main du territoire nationale par l'armée dès le retour de la paix.

Une restructuration militaire post-conflit est une activité sensible. Elle peut être porteuse de menaces susceptibles de déboucher sur une escalade du conflit. L'introduction de cessez-le-feu, d'accords de paix ou même les interventions discrètes visant le désarmement de belligérants ne garantit pas toujours une amélioration tangible de l'indice de sécurité [9]. Les situations post-conflit sont souvent le théâtre de massacres, de règlements de compte parce que les victimes d'hier peuvent s'en prendre à leurs bourreaux et leurs alliés. La réinsertion des ex combattants doit faire l'objet d'une vigilance particulière [10]. Un soldat démobilisé qui n'est pas convenablement réinséré dans le tissu sociale avec un revenu suffisant peut verser dans la délinquance en approvisionnant les cohortes de bandits qui exercent avec usage d'armes de guerre ou en s'enrôlant dans une opposition politique armée.

La nouvelle armée de Côte d'Ivoire se construira avec une intégration des éléments des FDS-CI et des FAFN. Ce processus est capital pour la réconciliation nationale et pour la restauration de l'autorité de l'Etat. Or il faut craindre que les interventions des différents partenaires impliqués dans le processus ne grèvent pas les efforts de paix. Les organismes internationaux (banque mondiale, PNUD, ONU, etc.) peuvent se lasser de blocages supposés ou réels de l'une ou l'autre des parties et délaisser le conflit en allégeant son soutien. On pourrait alors se retrouver dans un schéma de conflit des papous. La prudence de l'ONUCI, que d'aucun assimile à un manque de volonté ou une indolence, révèle la prudence de la communauté internationale qui ne tient pas à être accusés de réarmés d'anciens combattants.

Afin de relever les défis que doivent affronter les femmes et les jeunes filles soldats en période post-conflit, les plans de démobilisation devront identifier les besoins spécifiques des combattants des deux sexes et comprendre qu'une seule stratégie ne pourra pas s'appliquer à tous [11]. Contrairement aux hommes les femmes doivent bénéficier de programmes spéciaux qui tiennent compte des adaptés à leur statut.

Références

1. KIEFFER, G-A. (2000). ''Armée ivoirienne : le refus du déclassement'' in Politique Africaine (78) 26-44

2. Bahéfouè est un mot du groupe ethnique baoulé (localisé au centre de la Côte d'Ivoire) qui signifie sorcier.

3. BANEGAS, R et LOSCH, B (2002). ''La Côte d'Ivoire au bord de l'explosion'' in Politique Africaine (82) 139-161.

4. SORO G. (2005). Pourquoi je suis devenu un rebelle, La Côte d'Ivoire au bord du gouffre, Paris, Hachette Littératures.

5. Soir Info N° 4070 du vendredi 28 mars 2008

6. Fraternité Matin N° 13011 du mercredi 26 mars 2008

7. VIDAL, C (2003). ''La brutalisation du champ politique ivoirien'' in Revue africaine de sociologie 7 (2) 45-57

8. www.ONUCI.org

9. www.un.org/Docs/SG/agpeace.html

10. Le courrier N° 198 mai-juin 2003

11. http://www.bicc.de/general/paper20/content.html

voir aussi http://www.bridge.ids.ac.uk/docs/en%20bref-conflict.doc


Côte d’Ivoire : les « parlements » et « agoras » à l’épreuve des accords de Ouagadougou


Les « parlements » et « agoras » ont fait coulé beaucoup d’encre pendant les heures chaudes du conflit militaro-politique qui a éclaté en Côte d’Ivoire le 19 septembre 2002. Quand ils n’étaient pas traités de milices ou de supplétifs militaires, on les soupçonnait d’entretenir le conflit en versant dans les appels à la xénophobie. Qui sont ces jeunes qui animent ces espaces ? Que deviennent-ils depuis les accords de Ouagadougou ?


Apparus en Côte d’Ivoire au lendemain de la guerre du 19 Septembre 2002, les « parlements » et « agoras » se sont très vite positionnés comme des remparts du pouvoir d’Abidjan. Ce sont, dans leur forme, des lieux d’échanges où des populations, à majorité jeunes, se retrouvent pour discuter des sujets à la une de l’actualité. On les retrouve dans tous les quartiers d’Abidjan et aussi dans les villes qui sont sous le contrôle des forces gouvernementale. Les plus connus sont le « Tout Puissant Congrès d’Abobo » (TPCA), le « Parlement de Wakouboué ». Epousant l’air chaude du temps, ils se sont fixés un but que son Président, Idriss Ouattara, expose dans un entretien accordé au journal Le Repère dans sa livraison du vendredi 15 février 2008 « L’objectif, c’est de rétablir la vérité sur le lynchage médiatique qui se faisait contre la Côte d’Ivoire. Et de montrer que la Côte d’Ivoire n’est pas xénophobe, comme le laissaient croire les médias internationaux pour déstabiliser la Côte d’Ivoire ».

Aiguillonnés par cet idéal patriotique, les jeunes acteurs de espaces ont défiés en novembre 2004 la Force Licorne, le contingent de militaires français venus en appoint au dispositif de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Ils sont également sortis massivement pour manifester en janvier 2006 lors du constat de la fin du mandat de l’exercice de l’Assemblée nationale ivoirienne. Les « parlements » et « agoras » se sont violemment opposés à l’interventionnisme de la France en Côte d’Ivoire.

Depuis la signature des accords de Ouagadougou le 4 mars 2007, ces espaces ont réorienté leur lutte. Quelques semaines avant la naissance de ces accords, ils se sont investis dans le processus de transformation du conflit. Les orateurs sont devenus des ‘’messagers de paix’’ qui ont participé entre la mi février et la cérémonie de la flamme de la paix (le 30 juillet 2007) à Bouaké. Du reste, depuis cet évènement, le discours guerrier qui enflammait les « parlements » et « agoras » est plus modéré. Le travail de formatage des imaginaires politique le plus important à été sans doute la préparation des esprits des ivoiriens à adopter le nouveau Premier Ministre, le patron de la rébellion : Soro Kigbafori Guillaume. Pilule difficile à avaler pour des individus qui ont été nourris au biberon anti-forces nouvelles pendant 5 ans. Les orateurs appellent les ivoiriens à construire mutuellement la réconciliation nationale. De plus, Konan Konan Bertin (KKB), Président de la jeunesse du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et Karamoko Yayoro, ancien leader des jeunes du Rassemblement Des Républicains (RDR) ont été autorisés a prendre la parole dans ces espaces, ce qui n’était pas envisageable auparavant. En outre, les jeunes patriotes prennent une part active à la mise en œuvre du point 6 des accords de Ouagadougou. Ils se sont appropriés la campagne d’éducation civique en engageant les populations à participer au processus du déroulement des audiences foraines, l’identification et l’enregistrement sur la liste électorale. De ce fait, ils se présentent comme des partenaires incontournables voire stratégiques dans l’application des accords de Ouagadougou.

Les espaces de discussion de rue. Instruments de diffusion des idéologies politiques pendant le conflit en Côte d’Ivoire.


Dans la situation de guerre que traverse la Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002, les espaces de discussion de rue (EDR) ont largement contribué à la production et à la diffusion des idéologies politiques. Le déclenchement du conflit a exacerbé les antagonismes sur l'identité nationale au sein de la classe politique. Mais le débat ne se limite pas à cette catégorie d'acteurs dans la mesure où il quitte le champ politique pour investir la rue. Ainsi, on observe une multiplication des regroupements de populations, à majorité jeunes, dans les villes situées aussi bien dans la zone gouvernementale que dans celles sous contrôle des forces nouvelles.

Ces regroupements exercent sous deux formes. Les « agoras », « congrès » et « parlements », proches du parti au pouvoir, le Front Populaire Ivoirien (FPI) sont actifs dans la zone gouvernementale. En revanche, les « grins » traduisent leur rapprochement aux partis de l'opposition notamment le Rassemblement Des Républicains (RDR).

Dans un tel contexte, l'objet de cet article est de décrire le rôle des espaces de discussion de rue dans la médiation de l'information politique. Il s'agit de démontrer comment ces espaces s'insèrent dans les circuits de communication des acteurs politiques pour diffuser une vision hégémonique de l'identité nationale. Ils s'imposent donc comme des moyens de propagande politique.

A partir de données ethnographiques et bibliographiques, nous tenterons de présenter les trajectoires de positionnement politique de ces espaces à travers leurs connexions dans le champ politique (i) et les modes de communication qu'ils ont construits (ii).


La tentation de la récupération politique


L'émergence et la multiplication des EDR en Côte d'Ivoire est lié à un ensemble de facteurs socio-politiques. Le processus d'essaimage de ces espaces entamés en 1999 s'est accéléré à partir de 2002. Leur développement est à mettre en rapport avec les relations qu'ils entretiennent avec les entrepreneurs politiques.

En effet, les trajectoires politiques des acteurs de ces espaces laissent transparaître un rapprochement entre les deux acteurs. L'appartenance politique de même que les choix coïncident avec les stratégies des partis politiques autour desquels ils gravitent. C'est le cas des « agoras », « parlements » et « congrès » qui se sont rangés derrière le parti au pouvoir dès le déclenchement du conflit. Ainsi, « a la faveur de la crise actuelle, la plupart d'entre eux se déclarent sinon militants ou sympathisants du FPI, du moins loyalistes, patriotes ou « gbagboistes » » (Théroux-Bénoni, Bahi. ; 2006 : 9). Le renforcement de la vitalité du réseau de diffusion de l'information se traduit par une construction de ces espaces en deux blocs. Les antagonismes politiques entre le parti au pouvoir et l'opposition dès l'éclatement de la crise a consacré l'émergence de nouveaux espaces concurrents aux « agoras », « parlements » et « congrès » : les « grins ». Ces derniers espaces marquent leur attachement au RDR et renforce son action de propagande en se constituant en association dont le nom, le Rassemblement Des Grins (RDG) fait référence au parti du leader politique du RDR, Alassane Dramane Ouattara[1]. Sa mission est de susciter et d'accompagner la création d « grins » partout en Côte d'Ivoire.

Du côté des « agoras » et « parlements », on a assisté à la création de nombreuses structures de gestion de es espaces. Parmi elles, on trouve la Fédération Nationale des Orateurs des Parlements et Agoras de Côte d'Ivoire (FENAPCI), l'Union des Orateurs des Parlements de Côte d'Ivoire ( UNOPACI), la Coordination des Parlements et Agoras de Yopougon (COPAYO). Ces structures s'attèlent à diffuser l'idéologie socialiste du FPI et un nationalisme orienté vers la défense des institutions républicaines incarnées par le Président Laurent Gbagbo (Arnault. ; 2004 : 12).

Sous un autre rapport, dans un environnement marqué par une forte présence de jeunes frappés par le chômage, la participation aux activités des EDR permet de pénétrer de nouveaux réseaux sociaux et économiques (Banégas. ; 2006 : 544). Il s'agit, pour ces jeunes, de s'insérer dans des circuits qui leur permettront de capter des ressources matérielles et financières. La promotion sociale dès lors une attente que les acteurs politiques satisfont pour construire et maintenir un vivier de militants et de sympathisants politiques. Ces rapports de clientélisme facilitent la médiation de l'idéologie politique. L'aspect fondamental ici étant de fortifier le charisme des leaders politiques auprès des jeunes idéologiquement pris en charge par d'autres jeunes, figures charismatiques de ces espaces.

La diffusion des idéologies se décline également dans l'assistance matérielle et financière accordées aux EDR par les acteurs politiques. Certains leaders politiques fournissent ces espaces en matériel et assurent le financement de certaines manifestations (Silué. ; 2006 : 55). Ce matériel se compose essentiellement, pour les « parlements » et « agoras », de matériel de sonorisation (mégaphones, hauts parleurs, microphones, baffles, etc.), de bancs et de bâches. L'appui matériel et financier a pour fonction de faciliter l'ouverture des EDR aux acteurs politiques. Il prépare l'organisation des tournées de mobilisation et les meetings des partis politiques dans ces espaces. En effet, depuis le conflit du printemps 2002, les leaders du parti au pouvoir et les organisations satellites qui gravitent autour de lui ont intensifié leurs actions de soutien en direction des EDR[1].

Lors de ces sorties, les partis politiques exhibent des parangons (présidents de partis politiques, président de la République, président-patriote, figures montantes de jeunesse patriotique et/ou politique) qui viennent véhiculer les mots d'ordre des paris politiques. Ainsi de par leurs nombreuses ramifications avec les partis politiques, les organisations de jeunesse à caractère politique et syndicale, les associations de femmes, les EDR se présentent comme des lieux d'éducation idéologique et politique des populations. Certains artistes musiciens accompagnent souvent les leaders politiques notamment ceux du FPI dans leur incursion dans les « agoras » et « parlements ».

Le marché de la production musicale à caractère patriotique s'est intensifié depuis le conflit de 2002. De nombreux artistes se sont investis dans la production de chansons dites ''patriotiques''. Ce sont, entre autres, Paul Madys, les Wayzé, les descendants de Sakholoh, Sandrine Droubly, l'enfant Yodé et Siro, Nahounnou Paulin, etc. Ainsi, les acteurs politiques se dotent de relais dans les le monde du spectacle pour répercuter leurs discours idéologiques dans les EDR.

Les acteurs politiques ont ralliés à leur cause des vedettes susceptibles de capter l'adhésion des auditeurs des EDR qu'ils visitent régulièrement. Ils exécutent un travail d'instrumentalisation de la renommée pour enrober les chansons distillées de messages propagandistes. Les auditeurs se retrouvent devant des « acteurs-candidats » et des « artistes-patriotes » dont la mission est de construire un électorat favorable au FPI. D'ailleurs il n'est pas rare de voir certains leaders politiques exécuter des pas de danse avec des artistes. Certains d'entre eux, s'érigent à l'occasion en artistes en herbe. C'est le cas du Maire de commune d'Adjamé qui se fait appelé DJ Zito.

On le voit, la diffusion des idéologies politiques par les EDR emprunte le chemin d'une logique clientéliste. Derrière la promotion socio-économique, forme de récompense sociale, se construit une action de formatage des imaginaires politiques des populations.

Dans les laboratoires de la construction des identités patriotiques

Les acteurs des EDR co-construisent le discours politique diffusé par la presse. Les contextes de conflits transforment les médias publics en instruments de propagande (Frère. ; 2005 : 12). Ces médias se rapprochent des partis politiques et deviennent les récepteurs de discours divergents, contestataires et revendicateurs des acteurs politiques. En Côte d'Ivoire, la presse porte voix du parti au pouvoir se retrouve dans les journaux tels ''Notre voie'', ''Le temps'', ''Le courrier d'Abidjan'', ''Les Echos du Matin''. Les intentions du parti présidentiel transpirent dans les colonnes de ces journaux. Par contre l'idéologie libérale de l'opposition transparaît dans ''Le Patriote'', ''Nord-Sud'', ''Le Front''. Les discours diffusés par chacun de ces organes de presse sont récupérés par les EDR qui en font la trame de leurs échanges.

En effet, dans les EDR, les animateurs et les orateurs donnent leur lecture et leur interprétation de l'information tout en leur donnant sens. Ils se réapproprient l'information politique et ils l'analyse à l'aide de filtre construit en amont par les leaders politiques. Les informations recueillies sont développées aux auditeurs dans ces espaces dans un langage simple, accessible à tout le monde. Le travail de simplification s'accompagne de beaucoup d'images (Bahi. ; 2003 : 6). Ce travail de co-construction du discours oriente et entretient une vision manichéenne développe par chaque tendance des EDR. Les Dans les « agoras », « parlements » et « congrès » discours laudatifs présentent le Président de la République et son parti comme étant les seuls à même de garantir la sécurité des ivoiriens. Au contraire, la presse de l'opposition est blâmée par les orateurs qui la soupçonnent de collusion avec la rébellion (Théroux-Bénonni. Bahi. ; 2006 : 9). Ce rejet s'est traduit par l'agression de certains sièges des rédactions et des passages à tabac de vendeurs à la criée et de buralistes. La suspicion va plus loin. Les « agoras », « parlements » et « congrès » accusent les médias proches de l'opposition et la presse internationale de comploter avec la France en particulier et certains pays de la sous-région (le Burkina-Faso) pour déstabiliser la Côte d'Ivoire. Ainsi les savantes analyses des animateurs et autres orateurs des « agoras », « parlements » et « congrès » nourrissent les imaginaires politiques des auditeurs avec le fantasme du complot. Si les « agoras » et « parlements » abhorrent les médias internationaux dont ils apprécient la qualité de traitement de l'information.

Par ailleurs, l'action discursive de propagande est rendue performante par la mobilisation de symboles dont l'objet est de véhiculer les nouvelles formes de structures de pensées des partis politiques.

Les orateurs des « agoras », « parlements » et « congrès » construisent des figures de l'ennemi en rapport avec la rhétorique religieuse. Ainsi les adversaires politiques sont indexés avec des termes sataniques tels ''le diable'', ''le démon'' ou ''le vampire'' (Banégas. ; 2006 : 546). Les discours sont inspirés de l'évangile de la délivrance construit par la Première Dame qui décrit la situation de crise comme « la victoire de l'esprit de Dieu » dans « la guerre contre les forces du diable » pour préparer l'arrivée de « la nouvelle Jérusalem ». Ce discours théologique vise diffuser dans le corps social la vision hégémonique du FPI qui présente ses leaders comme des « patriotes » et ceux de l'opposition comme des « assaillants ».

Cette articulation entre le religieux et le politique s'observe à travers deux figures bibliques largement exploitées dans les « agoras », « parlements » et « Congrès » : ''David'' et ''Goliath''. Dans le contexte de guerre actuelle, la Côte d'Ivoire, assimilée au lilliputien David sort victorieux d'un combat qui l'oppose au géant ''Goliath'' symbolisé par la France et toutes les grandes puissance internationales qui veulent faire du mal à la Côte d'Ivoire. A travers cette rhétorique théologique, il s'agit pour les orateurs de présenter le Président de la République comme « l'élu de Dieu », un modèle de courage qui a été adoubé par Dieu pour sortir son peuple de la servitude. Tel le petit David, le Président Laurent Gbagbo se bat avec les ennemis géants de la Côte d'Ivoire et en sort victorieux parce qu'il a été choisi. Ainsi, le rapprochement de ses deux destins permet aux orateurs de fidéliser les auditeurs aux discours du FPI.

Le prosélytisme religieux des acteurs des « agoras » et « parlements » est soutenu par certains orateurs qui s'assimilent à des hommes de Dieu. Les s'inspirent des de la Bible pour prêcher un évangile qui emprunte le chemin d'un discours libérateur. Ces ''hommes de Dieu'' prophétisent un avenir radieux pour la Côte et tentent d'apaiser les angoisses des auditeurs. Ce déplacement est à mettre au compte des mouvements religieux, d'obédiences pentecôtistes qui s'imposent de plus en plus comme des acteurs incontournables dans la gestion des grands maux qui minent la société ivoirienne (Dozon. ; 2001 : 369). L'objet de ce glissement identitaire est de capter les identités religieuses pour les intégrer à la logique électoraliste du FPI.

Ce prosélytisme religieux s'accompagne souvent d'un appel à l'autorité ou à la mobilisation de certains sentiments comme la peur pour véhiculer le message. Les orateurs prennent comme exemple des tranches de vie de certaines autorités politiques ou de personnages historiques pour justifier leurs discours. Ces exemples accordent du crédit et légitiment les orateurs et leurs propos aux yeux des auditeurs.

Dans un autre sens, les orateurs n'hésitent pas à capter les identités religieuses ou ethniques pour créer des sentiments. Ainsi, lors des épisodes de violence, les orateurs utilisent un vocabulaire qui incite à l'action qui, à certains égards, débouche sur des agressions physiques.

La distribution massive de supports de communication participe à la diffusion des idéologies politiques. L'activisme politique de ces espaces particulièrement des « agoras » et »parlements » se traduit par la confection de tee-shirts, des coiffures (casquettes, képis, bandanas, chapeaux) et des fichus frappés de slogans militants. La propagande s'appuie et s'actualisent par ces supports. Elle s'intègre également au développement des Nouvelles Technologies de la communication et de l'Information (NTIC). Il s'agit d'intégrer les applications électroniques à l'activité politique. Les animateurs de ces espaces produisent des CD, VCD et des Cédéroms qui font la promotion des leaders. Cette nouvelle forme de militantisme politique va jusqu'à la création de site Internet comme c'est le cas de la « Sorbonne ».

La mobilisation politique se poursuit sur Internet dans les « chats », ces fora populaires où des leaders politiques échangent, en direct avec des internautes-militants. Le leader de l'alliance des jeunes patriotes pour le sursaut national, Charles Blé Goudé s'est livré à cet exercice en compagnie de certains dirigeants de cette organisation à laquelle sont affiliées la « Sorbonne » et la FENAPCI.

Toutes ces innovations permettent aux acteurs de ces espaces de créer des arènes publiques digitalisées où la parole publique s'articule sur une réappropriation tout à la fois individuelle et collective de la parole sociale, culturelle et politique. Cette forme de communication met en réseau les militants et sympathisants du FPI. Le développement exponentiel de la diffusion de vidéos militantes sur Internet vise à affaiblir la capacité de mobilisation des adversaires du Président de la République tout en permettant aux auteurs de cette innovation de se soustraire au cadre juridique de la production audiovisuelle en Côte d'Ivoire. Ces films sont dispersés sur les ordinateurs des utilisateurs et pas sur des serveurs centralisés. D'où l'impossibilité de les saisir afin d'en arrêter leur diffusion ou plutôt la dissémination de l'idéologie du FPI. Le concept de médiascapes rend bien compte de ce phénomène (Appadurai. ; 2001 : 91).

Cette vulgarisation politiques qui abolit toutes les frontières est une performance politique mobilisé par les « agoras » et « parlements » pour partager des éléments (personnages, actions, textes, sons, etc.) avec le monde entier. Les violences de novembre 2004 sont à l'origine de la production de nombreux films pour dénoncer l'implication ambiguë de la France dans la gestion de la crise en Côte d' Ivoire. On peut citer entre autres « Côte d'Ivoire : 4 jours de feu ». Ce film a connu une large diffusion. Les animateurs des EDR s'en sont servis pour démontrer aux yeux du monde le haut sens patriotique des ivoiriens et Président Laurent Gbagbo. Il a par ailleurs étalé, selon eux, la lâcheté de la campagne de néocolonialisme de la France qui ne s'embarrasse pas de scrupules pour assoire sa domination.

A cette mobilité des idées s'ajoute celle des animateurs de ces espaces qui se déplacent physiquement. A Abidjan, la mobilité des jeunes sont certains sont souvent orateurs à la « Sorbonne » favorise la circulation des idéologies (Bahi. ; 2003 :6). Cette mobilisation politique ne se limite pas à Abidjan. Elle se poursuit dans les villes de l'intérieur. Les orateurs sont envoyés en mission dans les villes situées notamment dans la zone gouvernementale à l'initiative de la FENAPCI ou de certains leaders du FPI. Ces derniers ont utilisés les talents d'orateurs et la renommée qu'ils se sont forgés parfois dans ces mêmes villes pour construire la vision du FPI pendant la première opération des audiences foraines entre mai et juin 2006. La maîtrise du terrain a été d'un atout inestimable dans la diffusion de l'idéologie du FPI.


CONCLUSION

En Côte d'Ivoire, les EDR fonctionnent comme des instruments de conquête du pouvoir. Ils s'insèrent dans les stratégies de marketing de communication des politiciens pour servir de relais dans la promotion des idéologies politiques. Leur positionnement politique se décline à travers l'identité politique des animateurs de ces espaces de même que le soutien dont ils bénéficient.

Derrière ces logiques propagandistes, transparaissent des modes populaires de participation politique. Les acteurs politiques réinventent une forme de « politique par le bas » où ils tentent de s'approprier ces espaces pour le contrôle du jeu politique (Bayart. ; 1981 : 53). Les « agoras », « parlements » et les « grins » apparaissent comme des ''champs de bataille'' où les politiciens s'affrontent par espaces interposé. Le rôle idéologique des EDR s'appréhende dans une logique de compétition dont l'objet est l'imposition d'une vision hégémonique de l'identité nationale.

Partant de là, il convient de s'interroger sur le rôle démocratique de ces espaces. Si à ces débuts, la « Sorbonne », matrice des EDSR, se présentait comme un lieu de critique, il n'en demeure pas moins que, depuis quelques années les autres EDR qui sont après 1999 sont devenus les thuriféraires des politiciens.

Le mode de pensée monolithique défendu et promu dans chacune des tendances est un indicateur de la récupération de ces espaces. Cet assujettissement est le signe d'un processus d'affaiblissement des possibilités de participation des masses populaires au jeu démocratique.

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